Vosges, entre Dabo et Donon : 2. Les paysages de grès

La carte géologique de la région indique deux grandes formations géologiques, l’une sédimentaire, composée de grès, et l’autre, plus localisée, est volcanique. Dans cet article, nous explorons les grès.

Caractéristiques des grès

Les grès sont des sables cimentés qui se sont déposés il y a plus de 250 millions d’années dans le centre de l’Europe au début de l’ère Secondaire, au Trias, entre 252 et 201 millions d’années. Ces grès sont constitués d’une majorité de grains de quartz, parfois des feldspaths et des micas. Ce sont en fait des sables détritiques pauvres en argiles consolidés par des ciments (à base d’argile, de fer, de silice), de teinte claire, à dominante rose. Ces roches incluent fréquemment des galets de quartz et des galets d’argile rouge. La couleur ocre ou rose s’explique par le fait que les grès vosgiens se sont mis en place sous un climat de type tropical chaud et sec, favorisant la formation d’oxydes de fer.

Ces dépôts de sable ont été apportés par des fleuves. Cela se voit clairement dans les reliefs gréseux : on y distingue des bancs minces souvent horizontaux ou inclinés, résultant du débordement des chenaux lors des crues, parfois entremêlés de dépôts d’origine éolienne formant dunes.

L’essentiel des roches appartient au grès vosgien supérieur (Buntsanstein). Les couches de grès atteignent 300 m d’épaisseur dans la région. Cet ensemble a été soulevé à la fin de l’ère Tertiaire, lors du soulèvement des Vosges, sous l’influence de l’effondrement du fossé rhénan tout proche. Ce soulèvement a été particulièrement marqué non seulement dans la partie sud des Hautes Vosges granitiques ainsi que dans la zone qui nous concerne, entre Donon et Dabo. Au-delà vers le nord, à partir de Saverne, l’abaissement de altitudes est net, passant de 1000 à moins de 500 m.

Empreintes d’anciens lits de rivière sur le rocher de grès

Au-dessus de cette couche géologique apparaît, sur certains sommets, le Conglomérat principal aussi connu sous le nom de Poudingue de Sainte-Odile. Ce conglomérat est, de loin, le plus important d’Europe par son extension horizontale. Il est issu de dépôts de galets et graviers grossiers témoignant d’une augmentation de la compétence des rivières, et qui peut atteindre 20 à 30m. Les galets très nombreux qui le constituent sont exclusivement siliceux (quartz, quartzites). Leur grande usure témoigne d’un long trajet montrent une usure exceptionnellement élevée pour un dépôt fluviatile, depuis l’Ouest de la France.

Couche épaisse de conglomérat formant le sommet de la falaise

Les Couches intermédiaires apparaissent au-dessus du Conglomérat. On y voit l’influence d’une remontée du niveau de base, qui serait la première manifestation de l’avancée de la mer. Les grès intermédiaires sont particulièrement développés sur les marges du site, à Walscheidt, comme le Peugstein jusqu’au rocher du Diable ou l’importante étendue entre Martelberg et Hohwalsch d’environ 2 km.

L’empreinte des périodes froides dans les paysages

La désagrégation des grès est très différente des types de ciments qui relient les grains de sable ou de galets. Plus ces ciments sont poreux, plus ils permettent la circulation de l’eau et les suintements, ce qui libère les grains de sable ou de galets.

L’ensemble de ces processus de désagrégation a été très important lors de la dernière glaciation de Würm, qui a duré 100 000 ans, et s’est terminée il y a 10 000 ans environ. Durant cette période froide, la dernière d’une longue série, les alternances gel et dégel ont fortement altéré les grès, ce d’autant plus facilement que cette roche est très perméable.

Les rochers sculptés des sommets gréseux

Les sommets, constitués de Conglomérat ou de Grès intermédiaire (ce dernier reposant sur le Conglomérat) sont en général plats. On en compte une trentaine dans le massif du Donon, de surfaces très variables, entre 2 et 80 ha. Les plus hautes altitudes sont celles de la ligne de crête entre Donon et Schneeberg avec plusieurs sommets d’altitude autour de 1000 m : Donon : 1008m, rocher de Mutzig 1010m, Grossmann 986m, Noll 991 m, Narion 998 m, Schneeberg, 960 m.

Mais le degré d’altération des grès varie avec la résistance de la roche : plus elle est tendre, plus elle est creusée par l’érosion. Or, les grès sont constitués de superposition des couches dures et tendres, ainsi que la présence des diaclases (fractures rocheuses sans déplacement des roches). Ces différentes couches sont diversement attaquées par l’érosion, ce qui explique des roches d’aspect parfois spectaculaires.

Rocher de Mutzig, (Lutzelhouse) aux roches fragmentées en parallélépipèdes
Rocher du Calice (Abreshwiller) qui doit sa forme à une base plus friable que les couches supérieures
Porte de Pierre (Urmatt), une double sculpture naturelle dans les grès

Certaines roches ont été éclatées en lames et fichées dans le sol.

Pierre éclatée lors d’épisode de gel, fichée verticalement dans le sol, Grossman (Lutzelhouse)

Les grottes et les cupules, autres formes d’érosion

Les grottes sont peu nombreuses dans les grès, mais certaines sont spectaculaires, comme la grotte St Léon (Walscheid).

Grotte St Léon, d’une profondeur de 32 mètres, une largeur de 24 mètres et une hauteur de 8 mètres.
Petite cavité formant une grotte

L’érosion a également creusé des cupules (cavité sur une surface horizontale) dans certains rochers.

Roche « branlante » du Wustenberg, comportant une grande cupule sur sa partie supérieure
Cupule au sommet du rocher Hohwalschfelsen, (569 m), Walscheid

Des versants raides et rocheux et des cours d’eau torrentiels

Les versants sont souvent très raides, en raison d’une accumulation importante de débris durant la dernière période glaciaire. Ils sont parfois parsemés de roches entraînés vers les bas de versant, souvent mélangés à des matériaux boueux.

Les fonds de vallons sont profonds et de forme typique en V. Leur orientation est typiquement Est-Ouest, Nord Sud ou Est – Ouest. Ces orientations suivent des alignements de faille.

Vallée étroite, à versants raides, Dabo
Éboulis de grès sur le versant constitué durant la dernière période glaciaire

Ces vallons sont parcourus par de nombreux cours d’eau, qui aboutissent à quatre rivières principales : Zorn, Hasel, Mossig et Sarre. En amont, ce sont parfois des torrents.

Les torrents ont une charge solide sableuse importante, et une énergie élevée. Ils entaillent la roche mère, et brassent des sables et des blocs de rochers parfois très grossiers, ce qui explique leur agencement en séquences « marches-cuvettes », voire en « cascades-baignoires », associées à des « rapides ».

Torrent amont, affluent de la Zorn

En aval, la rivière s’étale davantage par diminution de la pente, formant de petites zones alluviales inondées en période de crue. Elles aboutissent à des vallées plus larges, proches des villages.

Confluence des deux Zorn (Walscheid et Dabo)

Les tourbières

Comme les glaciers n’ont pas atteint le nord de la Bruche, on ne trouve que très peu de cirques glaciaires. Le Grafenweiher, dans la haute vallée de la Mossig à hauteur de la Wetzlach en est un bel exemple bien préservé.

Cirque glaciaire du Grafenweiher, le long de la Mossig

Il existe d’autres tourbières de moindre envergure le long de la corniche gréseuse entre Donon et Schneeberg, dans la Haute vallée de la Hasel, à partir de niches de nivation (où la neige s’est accumulée durant les périodes froides glaciaires).

Cette petite tourbière qu’on aperçoit au fond de la vallée de la Hasel, sous le Grossmann, a été créée à partir d’une niche de nivation

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