Les forêts du Massif Central

Une grande originalité

Les départements de l’Allier, du Cantal, de la Loire, de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme font entièrement partie du Massif central. Le département de l’Ardèche en fait aussi partie pour une large part. Si j’ai visité la plupart des forêts dans ces départements, je me concentrerai ici sur les régions les plus forestières, qui sont celles du Puy-de-Dôme (chaine des Puys, massif du Sancy, massif du Mont-Dore), et du Cantal.

Les volcans du Massif Central s’étendent sur toute sa partie centrale et orientale. Ils se présentent soit en grands massifs circulaires (anciens strato-volcans : le Cantal, les monts Dore, le Cézalier), soit en chaînes allongées (Chaîne des Puys haute chaine du Mézenc, Devès).

En effet, même si les volcans sont éteints, de telles forêts présentent quelques particularités liées au volcanisme. Certes, le milieu est moins instable que sur volcan actif, puisque les séismes et les éruptions ne sont plus d’actualité (pour l’instant), mais il l’est encore sur les pentes les plus fortes composées d’éboulis ou d’accumulations de scories. Par ailleurs, les propriétés du substrat volcanique (laves compactes ou avalanches de débris non stratifiés, ou encore accumulation de matériaux très fins après écoulements pyroclastiques, par exemple) jouent sur les écosystèmes qui les colonisent. En général, les pentes ne retiennent pas l’eau, et les arbres sont sensibles aux sécheresses estivales. Les sols issus des basaltes sont riches en éléments minéraux issus de l’altération des roches, ce qui est très favorable à la croissance des plantes.

La plupart des forêts se situent en altitude, entre 500 et 1100 m. Elles sont composées, comme partout ailleurs dans les montagnes françaises, de deux types de hêtraie : la hêtraie atlantique acidophile à sous-bois de houx évoluant sur sol acide et la hêtraie riche en minéraux, sur basalte, substrat neutre à légèrement acide. Ces hêtraies incluent d’autres espèces arborescentes :  le chêne sessile et le sapin. Le chêne sessile domine à la faveur de sols superficiels, sur blocs de basalte, qui ne retiennent pas l’eau.

Il existe aussi des forêts de ravins composées de tilleul et d’érable, et des forêts de tourbières à bouleau verruqueux.

Un élément précieux des forêts a disparu : l’if, détruit dans le passé lointain, il ne retrouve plus sa place dans les forêts actuelles, à l’état spontané. En revanche, il semble se propager à partir d’exemplaires cultivés, autour des ruines, des cimetières ou des jardins. Mais peut-être que tous les recoins où il a pu se réfugier n’ont pas été notés, et une étude systématique s’imposerait pour vérifier son statut actuel.

Il existe également de nombreuses forêts de recolonisation d’anciens défrichements, le plus souvent par une forme à bouleaux et à noisetiers. Ces forêts couvrent des surfaces importantes sur les coulées de lave et sur les faces nord des volcans jusque vers 1250 m. d’altitude.

Un impact anthropique très élevé sur les forêts

Histoire de la forêt

Sans l’impact de l’homme, les forêts devraient s’étendre dans tout le Massif Central de manière continue, mais cela fait sans doute depuis au moins 3000 ans, à l’Age du Bronze et surtout du Fer, que cette région, très attractive pour les sociétés humaines, a été défrichée. La pression continue des hommes a fini par rétrécir le couvert forestier à un minimum, atteint au XIXe siècle. Ce territoire fut jadis appelé « la tête chauve de la France » avec seulement 10 % d’occupation forestière !  

Reproduction de la carte de Cassini, milieu du XVIIIe siècle. Le point orange représente Clermont-Ferrand. Au nord, la chaîne des Puys, avec la cheire de Côme (cf plus bas), au sud, le massif du Cantal en étoile.

Le taux de boisement actuel, de 27% est proche de la moyenne nationale. On voit sur les deux cartes de France ci-dessous l’importance de la reconquête forestière dans le Massif Central et plus largement en France entre le XVIIIe et le XXe siècle (cartes issues de la revue L’histoire, n° 503, janvier 2023, que je recommande à tous). La reconquête s’est faite de manière spontanée mais aussi par replantations massives.

La déforestation dans le Massif Central a été particulièrement élevée pour une montagne. Cela est dû d’une part à une pratique agricole et pastorale ancienne et fort répandue dans la région, propice aux pâtures et aux alpages, et  d’autre  part  à  l’origine  et  au  régime de   propriété   de   nombreuses   parcelles (morcellement,  propriétés  communautaires,  échanges  et  donations  multiples  entre  seigneurs, communautés religieuses, populations villageoises etc.).

L’augmentation des surfaces forestières a commencé avec les premiers reboisements conduits  dans  le  Puy-de-Dôme  dans  les  années  1830 et 1840 sous l’impulsion du Comte  de Montlosier,  et  du  soutien  du  préfet  et  du  conseil  de  préfecture.  Les  surfaces modestement  reboisées ont permis de préparer les esprits à la campagne de reboisement de la Restauration des Terrains de Montagne à partir de 1860 et jusqu’en 1900, surtout dans les forêts publiques. Ce n’est guère qu’à partir du XXème siècle, avec l’exode rural et la déprise agricole et pastorale, que de nombreux terrains ont commencé à se reboiser naturellement, notamment sur les propriétés privées. Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, les reboisements artificiels ont continué mais de manière modeste.

C’est à partir de 1955, avec  la  mise  en  place  du  Fonds  Forestier  National,  institué  pour reboiser la France ravagée après-guerre, que la plus grande phase de reboisement à commencer en Auvergne, et jusqu’en 1980. Plus de 155000 ha (soit près d’1/4 de la surface boisée actuelle), publics et privés, ont ainsi été reboisés, essentiellement sur terres agricoles à l’aide d’essences résineuses, avec une très nette dominance de l’épicéa, marquant ainsi durablement le territoire et les paysages auvergnats.  Ces  forêts « FFN » rentrent aujourd’hui en pleine production. Parallèlement,  les recolonisations  naturelles  des  surfaces  qui  ne  sont  plus  exploitées  par  l’agriculture  ou  le pastoralisme étendent encore le boisement de la région. La dernière phase de reboisement importante correspond aux reconstitutions ayant suivi les tempêtes de 1982 et de 1999, mais il s’agissait principalement de parcelles déjà boisées et non d’une extension des surfaces. Le sapin Douglas, le mélèze et l’épicéa ont été largement utilisés à cette occasion. Ces forêts plantées sont totalement inadaptées à une réelle protection des sols et de la biodiversité et risquent de devenir de véritables foyers d’incendie en cas de canicules répétées, suite au réchauffement climatique à venir.

Comment restaurer les paysages ? 

Depuis le début du XXe siècle, la forêt regagne du terrain, formant de nouveaux paysages sur les anciens pâturages. Cette recolonisation peut être totalement spontanée. Dans ce cas, ce sont les espèces à croissance rapide qui dominent : bouleau, noisetier entre autres. Le hêtre ne revient que lentement.

Quant aux forêts anciennes, qui existent depuis plus de 200 ans sans avoir été défrichées, et qui incluent souvent des éléments intéressants de naturalités : gros arbres et bois mort. Ces forêts ont aussi une composition naturelle, avec 31% de hêtre et 30% d’autres feuillus.

Les forêts anciennes peuvent être localisées grâce aux cartes anciennes, notamment les cartes de l’état-major (1818 – 1866). Les sites où les forêts anciennes sont le plus présentes sont les Gorges de la Rhue (887 ha), les Vallées et gîtes de la Sianne et du Bas Alagnon (638 ha, 42% du site), la Chaîne des Puys (414 ha) et les Monts Dore (910 ha).

Actuellement les secteurs les plus boisés sont les monts du Cantal à l’ouest des monts du Cantal et l’Artense (38%).,  Mais ces forêts couvrent moins de 5% en montagne pour toute l’Auvergne, et moins de 1 % en plaine ! 

Laisser à la forêt le temps nécessaire à son évolution naturelle : voilà l’ambition du projet SYLVAE “Réseau de vieilles forêts en Auvergne”

Le projet Sylvae a été lancé en 2018. Son but est de créer un réseau de vieilles forêts en Auvergne en les achetant, puis en les laissant en libre évolution. Des acquisitions qui peuvent devenir urgentes. En effet, ces milieux sont menacés par l’Homme et l’exploitation qu’il peut en faire. Ils sont pourtant précieux : par leur biodiversité, notamment liée au bois mort, et par le stockage de carbone qu’ils permettent, contribuant ainsi à combattre les effets du changement climatique. L’acquisition de ces parcelles permet donc de préserver sur le très long terme ces écosystèmes menacés de disparition. Les arbres pourront alors accomplir leur cycle biologique complet : croissance, maturité, vieillissement puis mort et régénération naturelle…

Ce rachat de vieilles forêts est aussi actif dans d’autres CEN : en Occitanie, en Rhône Alpes, en Nouvelle Aquitaine

La triste fin de la grande faune : ours, loup, lynx

L’ours est très commun au XIIIe siècle, et encore présent jusqu’au XIVe siècle. Par exemple, dans le Cantal, autour d’Aurillac, à Saint Flour et Espalion, divers documents (chartes de franchise, transactions sur la chasse entre seigneurs) attestent que l’ours est bien implanté. En 1378, deux oursons sont capturés dans les monts du Cantal par Bertrand de la Tour, évêque du Puy. Ils ont été offerts à Jean de Berry, duc de Berry et d’Auvergne, qui venait souvent chasser dans la région de St Flour. A la même époque, un autre auvergnat, le seigneur de Ravel, faisait présent d’un ours à Charles Monseigneur, ainsi nommait-on le jeune fils du même prince. L’ours est encore mentionné au XVe siècle dans la Vallée du Condat, à Issoire, dans le Cézallier, et la chaine des Puys. Il a totalement disparu depuis, donc bien plus tôt que dans les Vosges (éteint au XVIIIe siècle), les Alpes (le dernier en 1947) et les Pyrénées (1990).

Le Livre de chasse (1507) de Gaston III de Foix-Béarn est un livre de vénerie médiévale composé entre 1387 et 1389 par Gaston Fébus, comte de Foix et vicomte de Béarn, dit Fébus, et dédié à Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Il a été considéré comme un ouvrage de référence jusqu’au XI”Xᵉ siècle, de nombreux exemplaires enluminés subsistant. Wikipédia

Quant au loup historique, il disparaît de l’Auvergne volcanique au cours du XIXe siècle en raison de la densité pastorale et la présence humaine très forte.  Toutefois, le dernier loup abattu pour lequel on versa une prime, fut tué en 1927 à Saint-Jacques-des-Blats (Cantal). La peau de l’animal fut un temps exposée dans une auberge évidemment nommée A la peau du loup, située dans le hameau des Gardes de Saint-Jacques. Retrouvée récemment dans une grange, la peau fut cédée par ses propriétaires à la commune de Saint-Jacques-des-Blats où elle est aujourd’hui exposée.

Le dernier loup du Cantal

Les derniers lynx sont signalés au XVIIIe siècle.

Ernest Olivier, dans sa Faune de l’Allier publiée à Moulins en 1898, mentionne plusieurs captures dans le nord du massif Central. Il rapporte, par exemple, la capture de deux individus la même année en 1853 : le premier, un jeune individu pesant 9kg, dans l’Allier sur la montagne Bourbonnaise près de Montoncel, le second, un adulte, dans le Puy de-Dôme au bord de l’Allier, au niveau de Maringues. Un peu plus tard, au cours de l’hiver 1865, un lynx de 30 kg est
tué à la chasse par temps de neige dans les monts de la Madeleine au sud-est de l’Allier.

Mes visites

Le Puy-de-Dome

La chaîne des Puys est un ensemble de près de 80 volcans, aujourd’hui éteints, répartis
sur un axe nord-sud d’une vingtaine de kilomètres entre 700 et 1464 m d’altitude. Elle constitue la partie Nord du Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne. Ces volcans ont tous le même âge, relativement récent à l’échelle des temps géologiques : environ 8000 ans BP (avant le présent), au cours du Quaternaire récent (ou Pléistocène). Ils ont émis des coulées qui ont comblé des vallées, créant des lacs naturels, et ajouté des édifices sur le plateau antérieur.

La chaîne des Puys, volcans endormis depuis au moins 8000 ans pour les plus jeunes, à l’ouest de Clermont-Ferrand, a été inscrite le 2 juillet au patrimoine mondial par l’Unesco. Une décision prise lors de la 42e session du Comité Mondial réuni depuis le 24 juin à Manama, au Bahreïn.

Vue sur la chaîne des puys avec le Puy de Dôme en arrière plan. Photo Internet Denis Pourcher

Une première idée générale des puys peut se faire par avion : une belle expérience !

Vue d’avion sur le puy Pariou et le puy de Come. On voit l’avancée forestière sur les flans de ces volcans et les anciennes coulées de lave (forêts de feuillus), mais aussi l’importance des plantations de conifères.

La cheire de Côme du Puy de Côme

La « cheire » est une variante auvergnate du mot occitan « cayre » qui signifie pierre. Ce mot « cheire » est employé en Auvergne pour définir ces coulées « aa ». La coulée aa désigne un type de lave fluide, rugueuse et à blocs apparents issue d’un écoulement de lave à haute température, typiquement de 1 000 à 1 100 °C. Cette lave est riche en silice ce qui lui confère une viscosité relativement élevée. Comme elle se solidifie rapidement, elle prend ainsi un aspect croûté, acéré et coupant, constituant ainsi un terrain hérissé, qui reste peu fertile en raison de l’absence de sol. Aucun ruisseau ne peut se former sur ces laves. L’humidité est liée à la pluviométrie locale, entretenue ensuite par les couvertures de mousses très abondantes en sous-bois.

Depuis 1977, la cheire fait partie du Parc Naturel Régional des volcans d’Auvergne. Cette étendue fait 10km de longueur et 3 à 4 km de largeur. Elle appartient à 4 communes : Saint Ours les roches ; Mazayes ; Saint Pierre le Chastel ; Pontgibaud. Les latitudes sont 960m à 700m à Pontgibaud.

Une des plus longues coulées de basalte est celle de l’imposant Puy de Côme, un volcan strombolien âgé de 15 000 ans. Son altitude de 1253m et l’emboîtement de deux cratères en font un des plus imposants de la chaîne des puys. Le début de la coulée est émise à partir d’un lac de lave pré existant qu’on peut détecter par image LidArverne. La cheire qui s’étend vers le NO et le SO : elle est constituée de 8 coulées de blocs de basaltes incluant des intercalations de scories, atteignant 9 km de long, 2 à 3 km de large et une épaisseur maximum de 130m.

Trou de glace dans la cheire

En revanche, la cheire comporte des trous de glace (cf photo ci-dessus). Cette glace provient des pluies qui traversent les sols perméables de la cheire, et qui sont stockées dans une nappe phréatique sous les coulées. En été, les chaleurs estivales génèrent des courants d’air qui traversent les galeries sous la roche, l’humidité de l’air se congèle au fond des cavités et forme ces trous à glace .

Malgré un sol absent et rocheux, elle serait couverte de forêts de chêne et hêtre, mais qui ont disparu depuis longtemps. Seuls restent quelques arbres adultes épargnés par les coupes.

Les jeunes forêts qui se développent depuis quelques décennies sont constituées de bouquets denses de bouleau pubescent, chêne sessile, tilleul, hêtre, de diamètre moyen de 5 à 10 cm, souvent évoluant en groupements monospécifiques, deux caractéristiques typiques d’un début de succession. Quelques rares arbres (hêtre) sont plus imposants (50 cm DBH) : leur architecture à branches basses témoigne d’une croissance en milieu ouvert. Les sous-étages sont peu fournis : houx, chèvrefeuille, rosier sauvage, ronce. Au sol, les rochers sont totalement recouverts de mousse, plus rarement de lichen.

Ces forêts n’ont pu se développer que grâce à l’arrêt des usages traditionnels (pâture, coupe de bois pour le chauffage, pour les noisettes et les paniers, pour alimenter les moulins, pour vendre le bois)… Cette cheire a aussi contribué à la principale nourriture des moutons, dès le printemps. 1500 moutons paissaient dans la cheire, ils fournissaient la laine.

Une partie de la cheire est plantée de conifères, mais ces forêts artificielles sont apparemment peu utilisées.

Un usage local de Pontgibaut, la ville la plus proche, était d’exploiter les glaces enfouies dans des trous de lave. Jusqu’au début du XXe siècle, ces trous étaient exploités pendant tout l’été par les habitants de Pontgibaud. Quand la température extérieure est de 25°C, la température dans la mini-cavité est de 0°C, et va le rester tout l’été. Ces « concrétions » de glace sont « fragiles ». Deux localisations sont propices pour rencontrer ces phénomènes micro-climatiques : juste au Sud-Est de Pontgibaud et au Nord de Bannières / Grand Chambois.

Un habitant local, Léonce Louis, s’est intéressé à l’histoire de cette cheire, et a écrit un petit livre très intéressant, intitulé La cheire du puy de Côme, mémoire d’un lieu naturel rempli d’histoire

« Cet ex-étendue de pierres et de scories est difficilement pénétrable pour le promeneur, sauf par les chemins envahis plus ou moins par la végétation…Se sortir des trous et des bosses, avec les pierres roulantes moussues et humides, les taillis, les arbres morts qu’il faut contourner, est épuisant et inconfortable. Le risque de se casser est important. Avoir une canne est une aide précieuse, mais parfois celle-ci s’enfonce entièrement. »

Léonce Louis, La cheire du puy de Côme, mémoire d’un lieu naturel rempli d’histoire

Il précise :

« Dans l’un de ces trous de glace, le comte de Pontgibaud propriétaire donna en 1840 une autorisation de construire deux caves et une maison d’habitation à la société fromagère de Salinas, pour affiner des fromages bleus de Laqueuille. Les fromages restaient en cave 3 à 6 mois. Ces installations sont en ruine depuis 1900. »

Les Monts Dore

Les paysages des Monts Dore sont vraiment spectaculaires. La construction du Puy de Sancy, un stratovolcan étendu sur 600 km² dispersé sur le massif granitique du Massif Central, date d’il y a 1 million d’années et 250 000 an. C’est le plus haut sommet du Massif Central, avec une altitude de 1886m.

Le Puy de Sancy devant un magnifique parterre de jonquilles au printemps 2021.

Ci-dessous : le Puy de Sancy est très peu forestier, mais les prairies sont de toute beauté. En A gauche, des gentianes jaunes et à droite un tapis d’arnica.

Les cônes des puys de Tuillière et Sanadoine émergent au-dessus d’une couverture forestière importante

Les volcans Tuilière et Sanadoine

Autre belle surprise : la hêtraie ancienne autour du lac Pavin, du massif du Sancy, sur la commune de Besse-et-Sainte-Anastaise

Le lac Pavin vu du ciel
Belle hêtraie ancienne au-dessus du lac Pavin
Ce lichen à large thalle (“feuille” pour un lichen) est devenu rare en Europe suite à la pollution atmosphérique. Il est très présent dans les forêts d’Auvergne, témoignant d’une bonne qualité de l’air, mais aussi d’une continuité forestière pour certaines forêts.

Le lac Pavin lui-même est magnifique et son histoire tout à fait unique. Ce lac s’est formé il y a environ 6700 ans. Le Pavin tire son origine d’une éruption phréatomagmatique. Du magma est remonté des profondeurs et est entré en contact avec une nappe phréatique. La chaleur a vaporisé une importante quantité d’eau, provoquant une explosion très violente. Et la création de ce lac.

Formation du lac Pavin

Avec une superficie de 44 ha pour une profondeur de 92 m, c’est le plus profond des lacs d’Auvergne. C’est aussi le seul lac en France métropolitaine à être stratifié en deux couches d’eau qui ne se mélangent pas. Dans le monde, on en compte un sur huit-cents similaires. La couche profonde est très différente de la couche de surface, car elle est dépourvue d’oxygène et abrite des micro-organismes spécialisés à la vie sans oxygène. Au-dessus se trouve les eaux régulièrement brassées et riches en oxygène, sur environ 60 mètres.  Le lac est pour cela désigné « lac méromictique ». Il est potentiellement dangereux si les deux couches se mélangent, ce qui peut arriver lors de micro séismes, comme il y a 8 siècles environ (ce qui en fait en fait un volcan actif). Les éléments minéraux et les gaz qui se sont accumulé au fond sont en effet mortels, comme cela a été le cas avec le lac Nyos au Cameroun en 1986  qui a causé près de deux mille morts. En août 1986, une brutale libération d’un énorme volume de gaz carbonique s’est produite dans les eaux de ce lac, provoquant la mort par asphyxie de plus de 1.700 personnes habitant le village voisin. Pour expliquer ce terrible phénomène, l’une des hypothèses proposées est celle d’une accumulation progressive de gaz carbonique dissous dans les profondeurs du lac suite à un dégazage volcanique lent mais continuel. Pour une certaine raison, ce gaz dissous aurait été libéré brutalement.

L’ensemble du lac et des forêts est classé ENS (espace naturel sensible).

Le pic St Pierre

Le pic St Pierre (au-dessus de Lomprat)  est un véritable nid d’aigle à 1000m d’altitude, sur lequel a été construit un château à présent disparu. Il ne reste qu’une chapelle où se sont effectués des pèlerinages tous les ans jusqu’à une date récente. On y trouve quelques signes d’une dévotion touchante, avec petits objets peints ou taillés, des photos ou petites statues de la Vierge devant lesquelles ont été disposées des pierres.

Sur cette photo, on voit la Pulsatille rouge (Pulsatilla rubra), poussant sur la crête du pic St Pierre.

Le Cantal

Ce volcan est l’un des plus vastes strato-volcans d”Europe de l’Ouest avec 2700 km² et plus de 60 km de diamètre. Il se présente comme un tronc de cône très aplati, entaillé de vallées radiales. Son sommet est à 1855m d’altitude.

Les glaciers ont remodelé un réseau hydrographique dont la forme radiale naît au cœur de l’édifice.

Vue vers une vallée radiale à partir du Puy Griou

La disparition des glaciers à la fin de la dernière période glaciaire a déstabilisé les versants des vallées et entraîné de vastes glissements de terrain.

Le chaos de Casteltinet en est le plus connu. Il s’agit d’un amoncellement de blocs volumineux postérieurs à 12 000 ans. Les roches, instables en raison de la proximité de fissures larges et profondes, ont glissé, créant un important abrupt concave de 10m de haut. Des hêtraies au tronc très blanc ont colonisé les rochers.

Masse rocheuse du chaos de Casteltinet. en arrière plan, le puy Griou

Le Puy Mary

Le Puy Mary et Pas de Peyrol correspond à une des crêtes du stratovolcan du Cantal. Le Puy Mary fait 1783m, c’est un dôme érodé datant de 6.5MA. Classé Grand Site national, il offre de beaux panoramas de vallées glaciaires, encore forestières .

Promenade entre col de Pertus et Puy Griou

Une belle balade consiste à partir du col du Pertus jusqu’au puy Griou. Les paysages sont forestiers. Cette forêt est composée de hêtres à plusieurs troncs, souvent tortueux, riches en lichen et de faible hauteur. Les conditions naturelles de froid et de faible durée de végétation en sont responsables.

Le lichen Lobaria pulmonaria y est bien présent. On y trouve aussi quelques informations sur le loup bien présent les siècles passés. Une fosse à loup a été reconstituée.

Au cours de cette belle balade, on rencontre de nombreuses prairies très riches en fleurs en ce printemps 2021 , encore partiellement enneigé.

Le puy Griou est un sommet emblématique du Cantal. Du sommet la vue est splendide ! Il atteint 1690m et constitue avec ses voisins le Griounou (1514m) et l’Usclade (1484m) un ensemble de dômes de phonolite qui correspondent à la phase tardive de construction du strato-volcan. Au cours de la dernière période glaciaire, le dôme du puy Griou émergeait de la glace. L’alternance entre gel et dégel a entraîné un éboulis encore visible à sa base, lui donnant sa forme conique. Forêts et prairies alternent sur ces montagnes.

Au pied du puy Griou, se trouve la chapelle Chazes. Devant cette chapelle se trouvent deux croix, l’une plutôt classique, et l’autre très primitive (cf ci-dessous).  Je n’ai pas trouvé d’explications à son sujet.

Les Tranchades de Laquairie

Les Tranchades de Laquairie forment un labyrinthe basaltique composé de trois couches basaltiques superposées (un peu moins de 30 m d’épaisseur) datent d’environ 5 Ma. Elles se sont déposées dans une large vallée de direction nord ouest, , et reposent sur quelques mètres de scories très altérées et donc riches en argiles. Le site actuel a autour de 12 000 ans.

Pendant les épisodes froids du Quaternaire, un bras du glacier de la Santoire passait au sud et à l’ouest de Laquairie. Cette masse de glace a remodelé le bord de la coulée en escarpement et bloqué la circulation d’eau au niveau de la couche de scories altérées. Lors du réchauffement post-würmien, vers -11 000 environ, la glace a fondu, libérant la pression qui maintenait le bord de la coulée sur son substrat inconsistant. Elle s’est alors fissurée plus ou moins parallèlement à son bord, en utilisant d’anciennes fractures de refroidissement existant à l’intérieur de la masse de lave et a glissé sur le versant.

Ce site semble avoir gardé leur caractère sauvage. Il doit y avoir une quinzaine d’années, il y avait un petit panneau et un sentier mais l’un des propriétaires a eu peur car en cas d’accident sur un tracé aménagé, et les indications ont disparu !

L’intérêt de ce milieu est l’extraordinaire adaptation des arbres qui arrivent à y survivre, dans un univers sombre et sans sol, notamment au fond des crevasses. Ils colonisent plutôt les fissures, mais en grandissant la plupart s’écroulent et tombent au sol ou sur les versants. Sur les sommets des coulées, le substrat affleure, ne laissant que peu de sol, ce qui favorise le chêne sessile. Les couvertures de mousse sont importantes vu l’humidité du climat, augmenté par la profondeur des coulées.

Les gorges de la Rhue

La Rhue prend sa source dans les monts du Sancy et se jette dans la Dordogne près de Bort-les-Orgues (cf cate ci-dessous). Cette rivière coule dans des gorges au nord des monts du Cantal. Ces gorges sont bordées de forêts, dont la plupart sont présumées anciennes.. Elles se trouvent dans des ravins à tilleuls et érables, mais on trouve aussi des sapinières-hêtraies et chênaies.

Bort-les-Orgues

Bort les orgues se trouve dans la région proche de Nouvelle Aquitaine. Les Orgues de Bort s’étirent sur deux kilomètres de longueur etfont 80 mètres de hauteur. Les Orgues sont issues d’une coulée de phonolite venant du Cantal, On y trouve aussi quelques belles hêtraies.

En conclusion

La nature forestière gagne du terrain dans le Massif Central, mais seule la forêt naturelle pourra permettre à cette région si originale de retrouver un plus haut degré de naturalité.

Quant aux grands carnivores, leur avenir est encore bien sombre. L’ours ne semble pas prêt de revenir dans ses territoires naturels. Concernant le loup, sa présence a été détectée en 2008 et 2009 dans les Monts du Cantal. D’autres indices pourraient attestés de son passage. Mais si le Cantal est un territoire potentiellement colonisable par le loup, il n’y forme pas vraiment de meutes pérennes. Enfin le lynx, on en décèle quelques traces depuis plusieurs années, mais sans preuves absolues.

Références

Corvol A. 2022 XVIIe-XXIe siècle. Le legs de monsieur Colbert. Histoire, la forêt française, n° 503, 34-43.

Duceppe Lamarre F., Lepetz S., Yvinec J.H. Caractériser la faune sauvage par l’apport des os et des textes (Nord de la Gaule, Antiquité et Haut Moyen Age. Dans, Forêt et faune, cahier d’étude n° 12, Forêt, environnement et société XVIe-XXe siècle, pp 11-17.

Léonce L. 2012 La cheire du Puy de Come, mémoire d’un lieu naturel rempli d’histoire

Prioton J. 1977 Nouvelle contribution à l’étude de l’if (Taxus baccata L.) en France et dans quelques pays limitrophes. Nécessité de sa protection Castelnau le Lez

Volcanologie de la Chaine des Puys 2017 Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne, 6e édition

http://www.massif-central.eu/projets/cartographie-forets-anciennes-volet-2-ipamac/

C. 2014. Le lynx dans le Sud du Massif Central. La gazette des grands prédateurs n° 51

Cet article a 6 commentaires

  1. Loic

    Bravo pour cet article impressionnnant et documenté.

    Je suis néophyte en la matiere et c’était tres instructif.
    Pour rejoindre votre article, Le cezallier a ete completement defriché pour permettre effectivement l’elevage dans les fameuses estives. On retrouve cependant quelques petites forets ici et la qui ont ete replantés. Cela reste toutefois un plateau de prairies.

    1. Annik Schnitzler

      merci pour ces précisions et pour votre intérêt pour mon article ! j’ai eu beaucoup de plaisir à parcourir ces forêts

  2. Poss Yves

    Bonjour, Article fort intéressant. Pour compléter votre bibliographie, je vous recommande le “rapport d’audit sur la filière bois pour le Massif central”, qui indique l’évolution des surfaces dans le temps, la localisation des principales essences, entre autres.
    Vous pourriez également découvrir les boisements des forêts sectionales de Saint Genès Champanelle, plantées entre 1848 et 1860; et découvrir les forêts qui recouvrent la longue coulée de lave du Puy du Pariou: de son origine au col des Goules jusqu’à la source des Lavandières, à Nohanent, leur variété et leur dynamique le méritent.

    1. Annik Schnitzler

      si ce rapport est accessible, je vais aller voir !
      mais en fait je ne m’intéresse qu’aux forêts naturelles et notamment sur volcans. Les activités forestières sont un autre domaine d’étude, qui aident c’est vrai à comprendre les paysages actuels

  3. MAALAVAL

    Habitante du Cantal depuis peu, j’ai pris un grand plaisir à lire votre article passionnant !

    1. Annik Schnitzler

      le Cantal est un très beau pays, et j’ai eu plaisir à découvrir ses paysages !

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