Une visite en Albanie avec la Société botanique de France

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Ce voyage d’étude s’est fait sous l’égide de la Société botanique de France, du 22 au 29 avril 2022. Nous avons parcouru la partie centrale et sud du pays, longeant les frontières du Montenegro et de la Grèce, et sommes revenus par la côte ionienne.

Brève présentation du pays

Situé dans la partie sud ouest des Balkans, sur les rives orientales de la mer adriatique et ionienne, l’Albanie est essentiellement un pays montagneux, fait de collines et de hautes montagnes (altitude moyenne 708m). Les plaines se concentrent le long des mers. Du point de vue géographique, ce pays fait partie de la région alpine et méditerranéenne alpine. Cette partie est tectoniquement instable, avec une activité sismique notable. Cela explique aussi la présence d’eaux thermales, comme à Permet, aux eaux sulfureuses.

Les eaux bleu-turquoise qu’on peut voir au pied du pont sont sulfureuses

Nous avons parcouru de beaux paysages, agrémentés par les belles couleurs du printemps, notamment celles de la floraison d’un rose magnifique des fleurs de l’arbre du Judée (Cercis siliquastrum).

Cercis Siliquastrum : cet arbre est très abondant dans les maquis du sud de l’Albanie

La floraison des plantes printanières était magnifique. Une plante très fréquente et d’une grande beauté est Anemone hortensis.

Anemone hortensis fleurit partout, des maquis aux bords des chemins et aux prairies.

Le climat est de type méditerranéen de l’ouest, mais les reliefs variés expliquent les contrastes importants au niveau climatique et hydrologique.

Voici quelques points forts de cette visite.

Le lac Ohrid, un des plus anciens d’Europe

Entouré de hautes montagnes ce lac somptueux, situé en altitude (1080 m), à la frontière entre l’Albanie et la Macédoine du Nord, accumule les superlatifs : le plus ancien pour l’Europe, car né avant l’âge des glaces, à la fin du Pliocène (5-2 millions d’années), un des plus larges avec ses 362 km² de large (30 km sur 11) et des plus profonds (atteint 295m de profondeur). Ce lac, comme les autres grands lacs du pays, est alimenté par les torrents et les pluies. Riche en faune endémique et espèces relictes notamment des mollusques, et une truite célèbre (Salmo letnica).

Le lac Ohrid

Forêts

L’Albanie est riche en forêts, notamment dans la partie nord. Au centre et vers le Sud Est, les forêts sont plus dispersées, les plus étendues se situant dans quelques vallées faisant frontière, dans les parcs nationaux, et dans les zones de recolonisation spontanée. Nous en avons visité quelques unes de remarquables, qu’elles soient composées conifères ou de feuillus.

La sapinière à sapin du roi Boris (Abies borisii-regis)

Cette espèce de sapin fait partie de l‘ensemble des sapinières du pourtour méditerranéen, qui y ont survécu au cours de la dernière période glaciaire. L’histoire de ce sapin est particulière : l’espèce est en fait un hybride entre un sapin ancestral datant du Tertiaire et le sapin blanc Abies alba actuel. Cette hybridation s’est produite au cours du Quaternaire.

On trouve ces sapinières dans les montagnes du sud et sud est, entre 1000 et 1700m, souvent accompagné par le pin noir. Nous avons parcouru des sapinières à deux endroits différents : le parc national de Bredhi i Hotoves-Dangelli et celui de Llogara.

Le parc national Bredhi i Hotoves-Dangelli se trouve dans le sud-est de l’Albanie, à 35 km environ au nord-est de la ville de Permet, dans la région de Frasheri. Il s’étend sur une superficie de 34.361 hectares environ (270-1620m d’altitude). Les forêts sont constituées de sapins roi de Boris (qui comptent parmi les plus importantes reliques végétales méditerranéennes d’Albanie), pins noirs et chênes.

Sapin Roi Boris

Le parc national de Llogara, fondé en 1966, couvre une superficie de 1 010 hectares et protège les forêts situées à une altitude allant de 200 à 2020 m au-dessus du niveau de la mer. Hormis le pin noir et le sapin roi de Boris, existent quelques ifs disséminés dans la forêt, et des feuillus (Ostrya carpinifolia, Fraxinus ornus, Quercus ilex, Quercus coccifera).

Les forêts de feuillus sont composées de diverses espèces de chênes : Quercus macrolepis, Q. frainetto, Q.cerris, Q. pubescens, Q. trojana.

Ces forêts sont fragmentaires, car situées à des altitudes favorables à l’agriculture et l’élevage. Toutefois, avec l’émigration, très forte dans ce pays depuis quelques décennies, les anciennes cultures de chênes en terrasse ont pu s’étendre, formant ça et là quelques belles stations. Malheureusement, il n’a pas été possible de les parcourir.

Cultures de type agro-sylvo-pastoral, avec chênes macrolepis. Au-dessus des terrasses, les chênes s’étendent naturellement, recréant une forêt naturelle de feuillus

La déforestation : un problème majeur au Sud de l’Albanie

Nous avons traversé des paysages totalement déforestés par destruction du couvert forestier (feux, coupes abusives, pâturage), notamment sur la côte ionienne. La reprise forestière semble très difficile en raison du climat, de l’érosion des sols, des pentes fortes, et de l’activité sismique.

Montagne proche de la mer ionienne, totalement déforestée et pâturée
Paysan traitant une brebis malade. Les brebis s’éparpillent sur les flans de la montagne, accompagnés par un gardien, et des chiens qui ont des colliers anti-loups

Les cours d’eau d’Albanie

Les fleuves et rivières que nous avons observés sont en général d’un état de conservation remarquable, offrant de magnifiques paysages alluviaux, qui ont parfois conservé une ripisylve.

La rivière Vjosa est considérée comme une des rivières sauvages d’Europe
La rivière Shkumbin présente un cours naturel, circulant dans les karsts
Beau paysage alluvial à saulaie près de la frontière avec le Montenegro

J’ai découvert, dans un vallon secondaire de la rivière, un très beau pied de vigne sauvage.

Vigne sauvage près des eaux sulfureuses

Malheureusement, une des plus belles peupleraies noires du pays, en bordure de cette confluence, a été récemment coupée, à la consternation de notre guide.

La peupleraie noire se développe en bordure des chenaux secondaires des rivières à forte dynamique.

Paysages à Euphorbia dendroides

Cette espèce, relicte tertiaire d’origine macaronésienne forme des buissons denses sur le pourtour méditerranéen et de nombreuses îles. Celles qu’on a pu observer le long de la mer ionienne sont remarquables par leur vitalité. On y trouve parfois l’orobanche, plante parasite, ce qui lui évite d’effectuer la photosynthèse.

Paysage à Euphorbia dendroides, bord de mer ionienne
Orobanche (O. pubescens), ici sur le maceron (Smyrnium olusatrum) sur le site archéologique de Butrin

Signalons, pour terminer, quelques autres belles observations : une population importante de plantes carnivores, la grassette (Pinguicula hirtiflora), qui occupait tout un pan de paroi en bordure de route, où l’eau d’une source suintait sur une grande surface.

Une plante carnivore : la grassette

Et un grand paon de nuit, le papillon le plus grand d’Europe, posé au sol.

Le grand paon de nuit

Références

  • Dhimitër Doka, Perikli Qiriazi 2021 The geography of Albania, problems and perspectives. World Regional Geography Book Series, Springer.

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