Les forêts dansantes de Finlande. Voyage naturaliste au pays des aurores boréales.

Ce voyage a eu lieu du 10 au 20 février 2016 avec l’Agence Découverte du vivant. Les photos animalières et d’aurores boréales sont de Pierre Danhaive.

Ce voyage en plein hiver, en compagnie de photographes, nous a mené au cœur de la Finlande jusqu’à 66° de latitude, en bordure de la Laponie.

Sur les traces de la faune du Nord

De Joenssu, nous continuons vers un endroit plus au nord, d’où nous allons observer le glouton : c’est un mammifère de la famille des Mustélidés, carnivore et charognard. En Europe, on le trouve au nord et au centre de la péninsule scandinave, ainsi qu’en Russie. 50 % des 150–170 gloutons de Finlande vivent tout au nord du pays.

Les observations se font dans un affût aménagé à cet effet : des ouvertures spéciales pour les appareils photos. On attire les animaux avec des appâts alimentaires. Dans le premier affût en pleine forêt, nous avons attendu 8h sans rien d’autre que des geais qui prennent la nourriture mise par le propriétaire ; le lendemain, dans un autre affût en bordure d’un petit lac gelé, au fond d’un vallon enfin :

Deuxième affût

Le glouton arrive vers 14h et reste 2 minutes : il dévale de la pente, fouille sous les branchages où a été caché un saumon et repart. Sa belle fourrure se balance dans la neige

Le glouton fait une apparition rapide pour chercher la nourriture qu’on lui a laissée.

Nous partons pour Vaala au milieu du pays (64¨latitude), pour un affût à l’aigle royal. L’aigle royal niche dans les forêts en Finlande du nord, de la Carélie du nord à la Laponie. Il n’est présent dans les autres régions pendant les migrations en hiver. La population finlandaise actuelle est estimée à 310–390 couples.

Deux aigles viennent sur la charogne vers 16h, se posent, mangent et repartent. Sinon nous observons geais et mésanges (charbonnière, boréale) qui viennent aussi se nourrir aux mangeoires.

Puis nous partons pour Kuusamo en bordure de la Laponie (66° latitude). Nous voyons sur les bords de route la chouette épervière deux fois : elle est perchée sur un épicéa tout en haut et nous regarde : splendide couleurs grisées ! Toutefois, les paysages sont mornes et les forêts bien laides. Les arbres s’alignent sagement dans des paysages d’une impeccable régularité, qui n’offre aucune poésie même en hiver, lorsque la neige couvre la canopée d’un manteau continu.

Toutefois, nous pouvons observer une dizaine de tétras lyres sur les branches de bouleau picorant les bourgeons, en bord de route ! En scrutant le sommet des arbres, on peut aussi admirer l’une ou l’autre chouette épervière attendant un rongeur imprudent qui s’aventurerait sur la couverture neigeuse des bords de routes. Ces chouettes sont d’ailleurs extraordinairement peu farouches, ce qui a été mis à profit par les guides naturalistes locaux. Armés d’une canne à pêche au bout de laquelle est accrochée une souris morte, ils montrent l’animal à la chouette qui suit attentivement tous leurs mouvements. Parfois même, ils se contentent d’agiter la souris à la main, puis la déposent sur la neige. Quelques minutes après, la chouette épervière descend en un éclair attraper la proie, sans prendre compte des crépitements des photographes placés à moins de dix mètres de la proie.

Chouette épervière. Cette espèce typique des forêts boréales était bien présente au cours de l’hiver 2016, ce qui n’est pas le cas toutes les années. Une aubaine pour les photographes animaliers !

Les paysages forestiers, composés d’épicéa, de pin et de bouleau pubescent, se poursuivent très loin vers le nord, jusqu’à la limite avec la toundra. Elles sont exploitées intensivement, sauf dans les réserves naturelles. Ainsi, nous avons visité quelques fragments de forêt boréale naturelle sur les collines du parc national de Riisitunturi, au nord du pays, à une altitude variant de 200 à 460m. Nous y croisons le mésangeai imitateur, un petit geai des forêts de conifère du nord d l’Europe, très hardi en hiver (cf photo à gauche) !

Un lemming, petit rongeur vivant dans le nord de de la Finlande apparaît devant nous dans la neige mais court se cacher dans ses réseaux souterrains. Ces tunnels qu’il creuse dans la neige l’hiver, et dans la végétation l’été, lui sont utiles pour échapper aux prédateurs et rechercher des graines (photo à droite).

La flore de Finlande : adaptations à la neige

Dans cette région, les précipitations neigeuses sont très abondantes, en raison de la proximité de la mer Baltique. Les chutes de neige débutent en fin d’été (septembre), et perdurent sans fondre jusqu’au printemps suivant. L’accumulation de neige, qui est en fait une combinaison de glace, gelée blanche et neige peut être lourde de conséquences pour les arbres. Le poids de la neige et de la glace augmente avec l’altitude. À 300m, le poids de la neige augmente de 30 à 50 kg pour des arbres de moins de 5m de hauteur, mais jusqu’à 180-200kg pour des arbres de 20 mètres.

Les épicéas s’adaptent à cette situation difficile par plusieurs stratégies: ils n’atteignent pas 20m ; leur architecture devient conique, leur sommet se courbe afin de laisser la neige glisser jusqu’au sol. Ces arbres s’agglutinent les uns aux autres laissant des espaces vides, où la neige s’amoncelle.

Les dimensions modestes de ces forêts correspondent à une croissance très lente, ce qui explique que ces arbres peuvent atteindre des âges vénérables : de 220 à 270 années (depuis la mise en protection) et sans doute jusqu’à près de 7 siècles au maximum.

Lors de notre visite dans cette réserve, nous avons eu la chance d’assister à une magnifique aurore boréale. On nous annonçait une nuit claire avec lune et très froide, et une activité solaire relativement élevée (Kp autour de 5). A 21 h, nous étions donc à pied d’œuvre sur l’étroit sentier de neige par – 15° C. L’aurore n’a pas tardé : de longues bandes vertes ont commencé à courir à toute allure de l’horizon vers le zénith, visualisant ainsi le champ magnétique terrestre. De splendides draperies de lumière verte à pourpre ont dansé durant près de deux heures. La montée vers les sommets entre ces arbres courbés sous la neige a pris alors une dimension quasi mystique.

Vers 1h du matin, un véritable feu du ciel s’est soudainement déclenché, signant l’apparition d’une aurore de type pulsé, faite de clignotements de quelques dizaines de secondes apparaissant à divers points du ciel. Un pur moment d’extase.

Sur le plateau sommital, les arbres se nanifient, ne dépassant pas le mètre. Ils deviennent plus rares et plus dispersés. En hiver, ils ne sont visibles que sous forme de petites pointes dépassant du manteau neigeux.
Lune et aurore boréale sur le plateau

Quelques explications sur les aurores boréales

Les aurores boréales se produisent lorsque qu’une tempête solaire éjecte des particules magnétiques de sa magnétosphère et l’envoie vers la terre. La couleur verte observée dans le ciel est émise par l’oxygène de l’atmosphère lorsque les particules solaires éjectées quelques heures plus tôt du soleil entrent en collision avec ce gaz. La couleur pourpre des aurores est due en revanche aux collisions des particules avec l’azote de l’atmosphère terrestre.

En conclusion

Un très beau voyage, en compagnie de photographes passionnés. Le bilan des animaux observés dans les affûts, en bord de route et en forêt, est de 8 chouettes épervières, une chouette chevêchette, une vingtaine de tétras lyres, une gélinotte, un glouton, le mésangeai. Certes, nourrir ces animaux pour les photographier me semble un peu curieux, mais après tout, cela ne semble pas leur nuire, et permet de voir cette faune extraordinaire.

Le plus merveilleux pour moi a été l’aurore boréale dans cette superbe forêt ancienne. Et pourtant, cette aurore là était, selon mes compagnons photographes, en fait bien modeste, bien moins que celles qui ont embrasé le ciel au plus fort de la dernière grande période d’éruptions solaires en 2012. Je retournerai donc dans cette forêt inspirée en 2025, lorsque le soleil entrera à nouveau dans une phase d’activité intense. Peut-être entendrai-je le bruit discret que certains passionnés du phénomène affirment entendre lorsqu’une aurore se déchaîne.

Référence

Jalkanen, R., & Konocpka, B. (1998). Snow‐packing as a potential harmful factor on Picea abies, Pinus sylvestris and Betula pubescens at high altitude in northern Finland. European Journal of Forest Pathology, 28(6), 373-382.

Remerciements

Je remercie vivement Pierre Danhaive pour m’avoir envoyé ses plus belles photos, et Damien Saraceni pour la relecture de ce texte.

Cet article a 15 commentaires

  1. Bedouet

    Superbe photo qui font rêver, pour des gens qui ne peuvent pas voyager, j’envie les personnes qui ont pris ces superbes clichés.

    1. Annik Schnitzler

      oui ce fut une chance exceptionnelle de voir ce beau pays sous une aurore boréale !
      attendons toutefois 2025 ! peut-être pourrez vous y aller ?
      amicalement
      Annik Schnitzler

  2. Guy Claude Luypaerts

    Superbe nature qui , j’espère restera malgré le détestable gaspillage d’énergie minérale et de pollution plastique

  3. Emaury Isabelle

    Devant tant de beauté, je ne peux que rêver….merci pour ce partage

    1. Annik Schnitzler

      merci ! les aurores seront encore plus belles dans 2 ans !

    2. Lauren Garidou

      Bonjour,
      Je dois avouer que je ne vous connais pas : Votre texte et les photos sont arrivés sur mon portable » poussés » ( vive la technologie !) mais j ‘ai apprécié de vous lire : c’est apaisant et les photos sont magnifiques ! Je vais pousser mon exploration un peu plus loin !

      1. Annik Schnitzler

        bonjour ca me fait plaisir de recevoir votre message !
        merci beaucoup

      2. Ces photos nous permettent de découvrir des animaux rares et magnifiques.
        Quant aux aurores boréales: c’est de la magie, du rêve!!!

        Merci pour ce partage et ces explications techniques.

  4. Vernet gen

    J’ai été au pôle nord puis au pôle sud. Ces paysages de la Finlande .ces animaux ces arbres et les aurores boréales me font plus que rêver.
    Pouvez vous me dire à quelle compagnie de voyage m adresser pour un voyage libre et riche en découvertes ? Merci

    1. Annik Schnitzler

      merci pour votre enthousiasme ! c’est vrai que cette aurore boréale sur fond de forêt enneigée a été un très grand moment. Nous avons eu la chance d’avoir un ciel dégagé !
      en 2016, date de ce voyage, j’ai passé par l’agence Decouverte du vivant. Cette agence est très efficace, et ce voyage me semble avoir lieu en octobre d’après ce que j’ai lu. Il suffit de cliquer sur le site Découverte du vivant. vous pourrez alors les contacter
      Ce n’est pas un voyage éprouvant, et vous pouvez parfaitement le faire !
      Amicalement

      Annik Schnitzler

      troger@decouverteduvivant.fr

  5. Vernet gentr

    J attend et espère une réponse pour aller ds les forêts dansantes et rencontrer les animaux les forêts et les aurores boréales.. j ai presque 80 ans je suis encore en bonne forme mon époux aussi. Je voudrais bien voir cet univers pur avant de mourir. J espère que mon époux sera enchanté lui.aussi

  6. Pain benedicte

    J’y étais du 14 au 23 fevrier !
    C’est exactement cela : on a adoré , et en bonus, on a pu voir ces belles aurores le soir du 15 février!
    Balades en ski altai , à pied en forêt, sur les lacs gelés ! Un très beau souvenir

    1. Annik Schnitzler

      oui il faut aussi avoir de la chance !
      j’espère y retourner bientôt
      amicalement
      annik schnitzler

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