Un séjour dans le Vercors : entre forêts et gisement à ours des cavernes

J’ai fait une visite dans le Vercorcs en juillet 2021, pour y parcourir quelques sites forestiers et participer à un chantier de fouilles à la recherche de la faune disparue du Quaternaire.

Présentation du site

Le Vercors est un massif calcaire des Préalpes, situé entre les départements de l’Isère et de la Drôme. Sa superficie est d’environ 135 000 hectares, avec soixante kilomètres de longueur du nord au sud et quarante de largeur d’ouest en est. Plusieurs sommets qui dépassent les 2 000 mètres d’altitude, l’intérieur du massif oscillant entre 800 et 1 500 mètres.

ci-dessous: géomorphologie du Vercors. En brun foncé, la crête la plus élevée de ce massif

 Son relief est spectaculaire avec falaises, crêtes, gorges, et grottes.

Paysage du Vercors et ses hautes falaises calcaires. Internet

Ci-dessous : quelques paysages du Vercors

Quelques illustrations de la fin de l’ours brun dans les Alpes

Le dernier ours a disparu des Alpes dans le Vercors, où il a pu se réfugier jusqu’au début du XXe siècle. Sa triste histoire peut se visualiser au musée d’histoire naturelle du Vercors, où se trouvent quelques uns des nombreux squelettes de l’espèce, tués par la population locale ou par un tueur d’ours, Marcel Couturier.

Un bien triste recourd que détient le Vercors : un ours à l’état de crâne dans un musée

Et pourtant, cette espèce emblématique de la faune d’Europe pourrait parfaitement être réintégrée, si elle était mieux acceptée par les populations, à l’image des Espagnols qui viennent en famille, avec jumelles, observer les ours dans les montagnes cantabriques, au nord de l’Espagne, tout aussi peuplées que les Alpes !!

Ci-dessous : le rendez-vous des familles pour observer les ours dans ce pays. Les ours restent discrets en en hauteur, et on ne peut les voir que de loin. Mais quel spectacle ! De même que tomber sur des traces d’ours dans la nature. (cf photos ci-dessous)

Ma visite dans le Vercors

À la recherche des ifs du Vercors

Les sites naturels à ifs ne sont pas rares dans les massifs forestiers des Alpes du Nord. Pour les forestiers, l’espèce n’est conservée dans le sous étage que si elle ne se trouve pas dans les zones d’abattage et dans les couloirs de vidange.

Les Ecouges

J’ai tout d’abord visité le site des Ecouges, tout au nord où se trouvent quelques peuplements d’ifs sur les tufs, au lieu-dit La Scie près de l’ancienne chartreuse des Ecouges. Le site des Ecouges s’étend entre 880 m et 1636m. Les forêts sont des hêtraies sapinières et des érablaies sur les pentes.

Cette cascade de tuf est particulièrement favorable aux ifs qui aiment l’eau et les minéraux. On en trouve autour de la cascade

Vierge du Vercors

J’ai trouvé d’autres peuplements d’ifs en-dessous de la Vierge du Vercors, en montant le chemin qui mène à environ 2 km, au sommet, au niveau du mont Roche. Les forêts ne sont pas exploitées sur la crête, qui a un aspect plutôt naturel. 

Il existe également des ifs dans les falaises. Le botaniste Christophe Perinot les répertorie et compte leurs cernes pour estimer leur âge (photos ci-dessous). Le plus gros a une circonférence à la base de 3,20m hauteur estimée à 7m. Plusieurs vénérables pieds d’if ont été trouvés dans la zone rocheuse en contre bas du refuge de Fessole.

Les ifs sont parfois plantés auprès des monuments, comme celui-ci qui honore l’histoire du village de Valchevrières, (commune de Villars de Lans). Ce hameau a été abandonné à la fin des années 1930 mais est resté habité de façon sporadique jusqu’à la deuxième guerre mondiale. Il a été totalement détruit par l’armée allemande en juillet 1944.

Croix de Valchevrières avec if planté pour commémorer l’événement

La fouille de la Balme de l’Escargot

La Balme de l’Escargot est située au nord-ouest de la commune de Corrençon-en-Vercors, dans la forêt de la Loubière, au pied d’une petite barre calcaire.

Ce gisement a été découvert en août 2012 par Thierry Marchand, du Spéléo Club d’Aubenas, après un travail de désobstruction de l’entrée. Après avoir constaté la présence de nombreux ossements d’ours des cavernes répartis sur le sol, dont plusieurs crânes, il signale cette découverte au SRA Auvergne-Rhône-Alpes quelques jours plus tard.

Cette cavité a été fouillée durant l’été 2021 sous la direction de Christophe Griggo, paléontologue et archéozoologue, enseignant à l’université Grenoble-Alpes et chercheur au laboratoire CNRS Edytem (Environnements, dynamiques et territoires de montagne) de Savoie.

Le reportage de France 3 sur cette découverte

Ci-dessous le schéma de la cavité. Elle est constituée de plusieurs salles séparées par des étroitures qui se répartissent le long d’un réseau mesurant près de 200 m et présentant un dénivelé de -67 m.

Durant 8 jours, l’équipe s’est relayée pour les différentes tâches de la fouille, à l’intérieur ou à l’extérieur de la grotte. La pénétration de la grotte par l’étroit laminoir d’entrée, en rampant sur 10m était le moment le plus pénible !

On atteint ensuite une large galerie (< 5 m), entrecoupée par quelques étroitures. C’est dans la deuxième salle, à environ 25 m de l’entrée, que se trouve le gisement paléontologique à ours des cavernes.

Ci-dessous : des insectes s’accrochent aux stalagtites à l’entrée de la grotte.

Photo 2: arrivée dans la salle après avoir rampé 10 m.

Photo 3: le travail sous terre

Les ours des cavernes

Sept individus mâle et femelle, âgés ou juvéniles, ont été dégagés du plancher, la plupart recouverts de calcite. Des traces de leur présence ont été décelées sur les parois sous forme de poils dans les deux premières salles.

Ci-dessous : Christophe Griggo dégage des ossements sur le plancher de la salle.

Photo 2 : fémur d’ours.

Photo 3 cf la légende sous les photos

Ces ours sont morts lors de la période d’hivernation. Les plus âgés (2 individus) avaient souffert d’abcès dentaires.

Quel est l’âge de ces ours ?

Trois échantillons de calcite correspondant à des planchers stalagmitiques qui recouvraient des crânes d’ours des cavernes ont été datés par la méthode U/Th. Pour chacun, des mesures ont été faites au sommet, au milieu et à la base du plancher. Seuls deux d’entre eux ont donné des résultats cohérents. Pour l’un, l’âge de formation du plancher est compris entre 15 537 ± 6 631 BP et 23 488 ± 12 953 BP, et, pour l’autre, entre 42 790 ± 6 218 BP et 112 024 ± 29 608 BP (tabl. I). Les vestiges d’ours se trouvant sous ces planchers stalagmitiques sont donc antérieurs à ces dates, r aux alentours de l’interglaciaire précédent l’Holocène, à l’Eémien.

Au cours de cette semaine de fouille, deux journalistes de France 3 sont venus faire un reportage.

Référence

Christophe Griggo, « Corrençon-en-Vercors – Balme de l’Escargot » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France – Informations [En ligne], Auvergne-Rhône-Alpes, mis en ligne le 28 septembre 2023, consulté le 10 mai 2024. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/141699

Remerciements

Un grand merci à Christophe Griggo qui m’a permis de participer à ce chantier de fouilles; à Christophe Perinot pour ces photos d’ifs, et à Damien Saraceni pour la relecture du texte.

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