Le Yunnan, Chine du Sud : une région de toute beauté

  • Post category:Voyages et forêts
  • Temps de lecture :51 min de lecture

Le Yunnan est une région montagneuse de la Chine, qui fait partie de l’Himalaya. Les montagnes ont une direction nord sud. Ce pays est dominé par les karsts (formations calcaires datant du Jurassique Crétacé). Ces karsts ont été plissés à cette époque, puis fortement soulevés lors de la création de l’Himalaya à la période suivante, au Tertiaire. Les plateaux culminants sont à 1200-1500m , et 2000-2300m, avec des formes de reliefs rocheux sculptés par l’érosion et des grottes fossiles, ainsi que des réseaux de rivières souterraines, qui se sont infiltrées dans les calcaires.

La Chine est un pays immense qui recouvre une vaste gamme de climats, du subtropical avec régime de moussons, au tempéré froid. Le Yunnan se situe dans la partie sud occidentale (en vert sur la carte ci-dessous). À droite, notre trajet au Yunnan.

Aux altitudes les plus basses, les forêts tropicales de type sempervirent dominent : la température moyenne annuelle est de 21-22C°. En remontant vers le nord, ce sont les forêts tempérées qui les remplacent, et qui se composent de plusieurs grands types : forêts tempérées sempervirentes, caducifoliées, puis aux latitudes les plus hautes, forêts mixtes feuillus et conifères.

Les forêts tempérées qu’on trouve dans les parties méridionales du pays, sont les plus riches de toute la planète : le nombre d’espèces par genres y est le plus élevé par rapport à l’Amérique du nord et l’Europe (par exemple parmi des dizaines d’autres : 60 espèces de saules pour seulement une dizaine en Europe); le nombre d’espèces relictes, qui ont disparu des autres continents de l’hémisphère nord avec les glaciations, est ici le plus important : il suffit de se souvenir de la présence du ginkgo et du panda !

Le scientifique Wang a décrit dans les années 1960 toutes les formations forestières et analysant cette diversité hors norme. Les raisons avancées pour cette diversité foisonnante est le fait que cette partie de l’Asie est très vaste, et inclut toute la palette des climats du subtropical à l’arctique. Les plantes et animaux ont donc pu migrer entre nord et sud, sans rencontrer d’obstacles majeurs, car l’alignement des montagnes est nord sud. En outre, la Chine inclut de vastes et nombreuses zones de plaines (le Yangtsé !) et de collines dans le sud où les plantes et les animaux ont pu se réfugier au cours des périodes froides. Ces deux facteurs (migrations sans obstacles entre différents climats ; larges zones refuges) n’existent pas avec autant d’ampleur en Europe et Asie occidentale, où les obstacles à la migration sont d’une part les hautes montagnes de direction Est-Ouest (Pyrénées, Alpes pour la France), et d’autre part les mers (Méditerranée et Mer Noire). En outre, au-delà de ces mers, les climats sont arides. Les extinctions d’espèces ont donc été nombreuses. 

Il est fort dommage que tout cela ait presque disparu, englouti dans les vastes déforestations de la fin du XXe siècle. Mais j’avais entendu dire que le Yunnan, qui a l’intérêt de s’allonger entre la partie tropicale, tempérée chaude et tempérée froide du pays, avait conservé une partie de ces forêts exceptionnelles. D’où le choix de cette région pour notre voyage, qui a eu lieu du 6 au 20 juillet en 2018, et a été proposé par l’excellente agence Ciel Yunnan, que je recommande vivement pour leur compétence et le suivi du voyage, qui était en semi liberté. Cette agence met l’accent sur la découverte des petits villages où les hôtels sont modestes, des marchés locaux où la tradition s’est maintenue, des temples perdus dans la nature, des sites grandioses dans les montagnes. Nous n’avons pas été déçues !

Notons que tous les sites naturels que nous avons visités sont très bien expliqués par de grands panneaux traduits en anglais, et parfois en français ! Très appréciable quand les livres manquent.

La Forêt de Pierre de Shilin un paysage karstique unique

La région de Chine du sud recèle les plus beaux paysages de karsts humides tropicaux du monde, qui n’a d’équivalent que ceux de Bemahara à Madagascar. Les surfaces totales couvrent environ 550 000 km2. On y trouve diverses formes géologiques de type karstique :  le karst à tourelles, le karst à pitons et le karst à pinacles ainsi que des ponts naturels, des gorges et de vastes grottes.

Les forêts de pierre de Shilin se sont développées en 270 millions d’années au cours de quatre périodes géologiques majeures, du Permien à nos jours. Elles consistent en un ensemble de roches karstiques en calcaire gris qui s’étend dans un parc de 80 ha inclus dans un ensemble géologique de 26 000 ha. Ce karst s’est développé sur du calcaire ou du calcaire dolomitique riche en magnésium, ce qui donne des colorations variées. La vue au-dessus de la forêt de pierre de Naigu est à 1870m d’altitude. Shilin est un Géoparc mondial reconnu par l’UNESCO. Quelques pancartes expliquent la genèse de ce superbe paysage.

Les rizières de Yuanyang

Considérées comme les plus belles rizières de Chine, les rizières en terrasses des Hani de Honghe sont classées au patrimoine Mondial de l’Humanité par l’Unesco depuis 2013. Situées dans le sud du Yunnan, ce site remarquable s’étend sur 16 603 hectares sur les pentes escarpées du mont Ailao.

Ces paysages sont parcourus par des sentiers et des pancartes qui semblent anciennes, même en français !

C’est le peuple Hani qui a développé depuis 1 300 ans un système complexe de canaux pour amener l’eau depuis les sommets boisés jusqu’aux terrasses. Un système d’agriculture intégrée associe l’élevage de buffles, bovins, canards, poissons et anguilles à la production de riz rouge, produit de base de la région.

Le climat de type subtropical chaud et humide occasionne une évaporation importante à partir notamment des vastes zones de rizières. Cette vapeur d’eau monte en altitude, rencontre l’air froid qui se condense ensuite en un brouillard épais qui retombe sur les rizières. Les Hani ont ainsi utilisé avec une grande intelligence les variations climatiques verticales des montagnes de la région.

Les origines des Hani sont encore mal connues. On suppose que leurs ancêtres constituaient l’ancienne tribu Qiang qui auraient migré vers le sud depuis le plateau tibétain avant le IIIe siècle. Selon les régions, les maisons sont plutôt faites de terre et couvertes de toits de chaume, soutenu par des piliers de bois posées sur des fondations de pierre.

Les Hani sont polythéistes et vouent des cultes aux esprits de la forêt (chaque village possède une porte qui leur est réservée). Nous avons ainsi longé une forêt sacrée près d’un village. Ils vouent également un “culte au riz“, qui est présent dans toute cérémonie de guérison, mariage.

Les marchés que nous visitons dans les villages Hani sont extrêmement pittoresques, les gens paisibles et sympathiques.

Ci dessus : un dentiste qui exerce au marché.

Arrivées à Jianghui, nous avons visité un magnifique temple consacré à Confucius, l’un des attraits majeurs de Jianshui. L’endroit abrite une belle étendue d’eau avec lotus.

Dali est l’étape suivante. Cette ville se situe sur l’ancienne route de la soie.

Le temple des trois pagodes était celui des familles royales. Ses trois pagodes servaient non seulement à conserver des saintes reliques, mais aussi invoquer la protection du Bouddha contre les catastrophes naturelles. Ces trois pagodes sont devenues aujourd’hui l’emblème culturel de Dali.

Grottes de Shibaoshan

Les formes d’érosion très curieuses des roches calcaires donnent aux paysages que nous traversons à pied un aspect tout à fait extraordinaire. Ce sentiment d’étrangeté géologique a été mis à profit par les civilisations anciennes, qui l’ont utilisé pour y construire des temples.

Les grottes des Montagnes de Shibaoshan, ou Mont du trésor de pierre, appelées aussi les grottes du Mont du Trésor de Pierre, ont été aménagées il y a plus de 1300 ans, du temps du royaume Nanzhao. On y trouve de remarquables représentations de Guanyin et d’autres images bouddhistes sculptées dans la roche. A cette époque, le bouddhisme avait percé dans la région :  la déesse Guanyin y est souvent représentée, mais également d’autres images bouddhistes. Les peuples de l’ethnie Bai qui ont érigés ces sculptures avaient donc adopté la croyance bouddhiste.

Un escalier de mille marches donne un accès au somptueux temple de Baoxiang, suspendu à flanc de falaise. Ce temple est constitué de pavillons accrochés à la roche d’une manière surprenante. A l’intérieur, des magnifiques statues de bouddha en couleur sont conservées.

Les formes d’érosion très curieuses des roches calcaires donnent aux paysages que nous traversons à pied un aspect tout à fait extraordinaire. Ce sentiment d’étrangeté géologique a été mis à profit par les civilisations anciennes, qui l’ont utilisé pour y construire des temples.

Parc national de Pudacao

Localisé au centre des trois rivières parallèles dans les montagnes Hengduan, au nord ouest du Yunnan, ce parc forestier est riche en espèces devenues rares ou endémiques. Ce parc s’étend sur environ 2000 km². Autour du lac Shudu (3.3km) s’étend des fragments d’une forêt, de type tempéré froide dominée par des conifères. Les conifères sont d’une part des épicéas (Picea brachytyla) à la couronne en forme de parasol, ainsi que Picea likiangesis dont il y a ici un exemplaire remarquable de 32m de haut pour 114 cm de diamètre, et d’autre part un sapin (Abies georgei) au houppier en forme de couronne. L’épicéa occupe les étages d’altitude entre 3200 et 3700m, et le sapin au-dessus d 3700 m. Ces espèces sont toutes sur des listes d’espèces en danger d’extinction.

L’humidité ambiante explique l’abondance des lichens (genre Usnea).

En bordure de lac dans les prairies humides, Iris bulleyana.

Rhododendron hippophaeoides occupe les prairies alpines au-dessus de 3600m.

Shangrila

Nous atteignons ici les abords du Tibet, à 3200 m d’altitude, à la frontière entre Tibet, Sichuan et Birmanie. Dans cette ville, se trouve une minorité tibétaine locale, qui donne à la région un avant-goût du Tibet.

Shangrila vu des toits

Produits à base de yak dans les restaurants :

Benzila

Nous remontons vers la partie la plus septentrionale de notre voyage, en passant par la partie amont du fleuve Yangtsé, le long d’un de ses affluents, Jinsha (qui signifie : dépôts aurifères alluviaux, soit des dépôts de fine poussière d’or sur les alluvions !). Nous avons traversé en voiture les impressionnants canyons de cette rivière, résultats de millions d’années d’érosion, et où les dénivelés sont de l’ordre de 2000 à 3000m.

Sur l’image à gauche: tracé du Yang Tsé du Yunnan à la mer de Chine. Au centre et à droite : l’affluent du Yangtsé

À Benzila, proche de la frontière avec le Tibet, le climat a changé, plus frais et très humide. Nous nous trouvons sur l’ancienne route du thé. Ce village est un point de rencontre entre les cultures des Han et du Tibet. Nous sommes montées vers les sommets voisins en voiture, afin d’approcher les forêts de plus près. Mais les routes sont récentes et sujettes à des éboulements importants : le chauffeur déplace tout seul les blocs les moins lourds !

J’ai enfin pu réaliser un de mes rêves : voir ces fameuses forêts pluviales tempérées décrites par le scientifique Wang ! on voit sur les photos la présence de feuillus et de conifères de différentes espèces, les superbes sous-bois à rhododendron, et ces magnifiques lichens, incrustants ou pendants, qui rendent ces forêts magiques. 

Nous rentrons ensuite en repassant par le YangTsé, avec une dernière vue splendide du célèbre virage de la lune.

Une vision magnifique du Yangtsé amont

Ce beau voyage a pris fin, après ce aperçu sur le haut Yunnan.

Cet article a 4 commentaires

  1. Robert Ponzo

    Le Yunnan, un point chaud de la biodiversité ! Visité 10 avant mais au cours d’un voyage plus “touristique”.
    Le voyage décrit ici semble bien partagé entre lieux culturels et lieux de nature.

    1. Schnitzler

      merci pour votrte enthousiasme et votre fidélité à mes voyages ! c’est pour des gens comme vous que j’écris
      bien amicalement
      Annik Schnitzler

  2. Schnitzler

    merci pour votre intérêt pour mes publications. Je suis heureuse de les partager, notamment sur des sites peu connus.

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