Une floraison spectaculaire au Jardin botanique de Nancy : l’arum titan

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L’arum titan (Amorphophallus. titanum (Becc.), un eMonocotylédone de la famille des Aracées, est célèbre pour son énorme inflorescence qui est la plus grande au monde : elle peut en effet atteindre 3m de haut et 1m de diamètre ! On la connait aussi pour son odeur plutôt déplaisante, qui rappelle celle des cadavres, et aussi pour sa faculté (très rare chez les plantes) de fabriquer de la chaleur.

Il est très difficile d’observer la floraison de cet arum, car elle ne se produit qu’après plusieurs années et ne dure que quelques heures. J’ai eu la chance de pouvoir l’observer au jardin botanique du Grand Nancy : cet événement exceptionnel a eu lieu entre le 16 et le 19 juin 2025, deux ans après une première floraison dans ce même jardin. J’y ai été deux fois, afin de pouvoir suivre la croissance puis la floraison de la plante.

Photos 1 et 2: l’inflorescence en croissance. Sa croissance a été mesurée tous les jours.

Photo 1 : la plante a atteint son maximum de hauteur. A droite, Frédéric Pautz, directeur du jardin botanique. Photo 3:

Le spadice jaune, qui émerge de la grande bractée rouge s’est affaissée et la plante s’est refermée.

Une plante endémique de l’île de Sumatra, Indonésie.

Le genre Amorphophallus comporte 263 espèces, de l’Afrique de l’Ouest au Sud Est de l’Asie et le nord de l’Australie. L’Indonésie inclut 25 de ces espèces, dont 17 sont endémiques (c’est-à-dire qu’elles ne poussent que dans ce vaste archipel). Parmi toutes les île de l’Indonésie, Sumatra est l’île qui comprend le plus grand nombre d’espèces endémiques en tout, dont l’arum titan.

Sur l’île de Sumatra, la plante pousse sur les pentes occidentales des montagnes de Bengkulu, Kerinci, Palembang, Bukit Tinggi, sur sols riches en éléments minéraux et humides, mais bien drainés et aérés. En général elles forment de petites populations rassemblées en clusters souvent dans les forêts secondaires (utilisées par l’homme).

La plante, bien connue des habitants de Sumatra, a été portée à la connaissance de la science européenne par Odoardo Beccari en 1878.

Ci-dessous: la plante dans son milieu naturel à Sumatra. Photo a: la partie végétative: photo b: la fleur épanouie: photo c: la fructification.

La plante et son cycle de reproduction

Le cycle de reproduction montre que la plante est issue d’un gigantesque tubercule. C e tubercule alterne des feuilles et des fleurs sur un seul bourgeon. La feuille atteint une taille géante, jusqu’à 6m. Selon les conditions de Culture, la feuille peut durer de six mois à 14 mois. En culture, il faut une période de repos de plusieurs semaines avant de recommencer à arroser la plante pour que une nouvelle feuille apparaisse.

Quant à la fleur, elle se développe en dehors de la production de la feuille et bien plus rarement que la feuille (cf plus haut).

Photo 1: Le cycle de reproduction de la plante. Photo 2: la partie végétative (Emmanuel Torquebiau, jardin botanique de Bogor, Indonésie)); Photo 3: feuille d’un arum d’une espèce proche (Jardin botanique de Nancy)

La floraison demande un effort considérable à la plante, et ne se produit qu’après plusieurs années, le temps au tubercule d’accumuler suffisamment d’énergie. Toujours pour la même raison, la durée de la floraison est courte, et ne dépasse pas 2 jours.

On parle d’inflorescence lorsque la plante réunit plusieurs fleurs sur une même tige, autour d’un axe. Dans le cas de l’arum titan, comme toutes les Aracées, l’inflorescence consiste en une très large bractée ou spathe, qui recouvre un axe, appelé le spadice, sur lequel se disposent des centaines de minuscules fleurs femelles et mâles, séparées spatialement et ne fleurissant pas en même temps.

Ci-dessous : les fleurs minuscules dans la spathe sont ou mâle ou femelles, mais ne fleurissent pas en même temps.

Le rôle de la spathe est de protéger les fleurs par sa forme tubulaire, et d’attirer les insectes pollinisateurs, par une suite de processus complexes.

En effet, lorsque les fleurs femelles se déploient au sein de la spathe, dès l’après midi, la plante dégage progressivement une odeur de cadavre par des composés volatiles de type triméthylamine et putrescine. Cette odeur est portée loin dans le milieu environnement grâce à une production pulsée de chaleur (qui peut atteindre 36 à 38°C vers minuit), encore favorisée par l’énorme taille de la spathe et sa forme en fontaine.

Cette production de chaleur stoppe en général après les premières heures de la nuit. L’objectif est d’attirer des insectes pollinisateurs nocturnes consommateurs de cadavres, appartenant aux familles Calliphoridae et Sarcophagidae, attirés par l’émission à haute intensité de ces composés volatiles, fortement favorisée par la chaleur créée par la plante. La spathe rouge sang joue sans doute également un rôle.

Ce processus d’émission d’odeur et de chaleur demande une grande énergie à la plante, qui la tire de ses réserves en amidon. L’importance de ces émissions épuise cependant rapidement ces réserves, ce qui explique que le processus ne dure que quelques heures.

Le rôle des insectes

Les insectes attirés par l’odeur très spécifique de la plante pénètrent dans la chambre florale le premier soir. Il est possible qu’ils soient aussi stimulés par la chaleur qui se dégage dans la spathe. Ils pénètrent à l’intérieur de la chambre florale, et s’y agitent, fécondant alors les fleurs femelle s’ils ont été porteurs de pollen provenant d’un autre arum, qu’ils avaient visité préalablement (les arum titan poussant souvent en petits groupes). Le lendemain, ils visitent les fleurs mâle qui s’ouvrent et leur offrent du pollen. Lors de leur sortie de la chambre florale, ils iront féconder un autre arum.

La fructification

Les fruits issus de la fécondation mettent quelques mois à mûrir. Ils contiennent chacun une à deux graines. Ils seront consommés par des oiseaux (notamment le calao rhinocéros) ainsi que des singes. La plante issue d’une graine met 3 à 10 ans à devenir adulte.

La phase de fructification. Photo Emmanuel Torquebiau.

Statut de protection

Cete plante est considérée comme en danger d’extinction, car elle est gravement menacée par la destruction de son habitat (la déforestation est importante à Sumatra), les changements climatiques, mais aussi par l’exploitation en tant qu’espèce ornementale.

Référence

Setiawan, R. B., Handayani, M., Nanda, A. R., Sukma, D., Rahmi, A., Syahputra, A., … & Baiturrahman, A. (2024). Expedition and Characterization of the Corpse Flower (Amorphophallus titanum Becc.) in West Sumatra. Journal of Tropical Forest Management/Jurnal Manajemen Hutan Tropika30(2).

Remerciements

Un grand merci à son directeur Frédéric Pautz pour ses explications sur l’histoire de cette plante.

Je remercie Emmanuel Torquebiau pour les photos qu’il m’a transmises de l’île de Sumatra; ainsi que l’amabilité des personnes travaillant au jardin botanique de Nancy. Je remercie aussi Damien Saraceni pour la relecture et correctgion du texte

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