Un séjour dans la forêt – savane littorale du Gabon

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J’ai eu la chance de pouvoir accompagner en 2019 une équipe de cinéastes d’un documentaire naturaliste, réalisé par GillesSantantonio pour Arte et Ushuaia TV. Ce documentaire, intitulé Une vie en forêt, avait pour but de suivre le botaniste artiste Francis Hallé au Gabon, et d’illustrer les inventions qu’il avait utilisées pour découvrir le monde peu connu des canopées tropicales : le radeau des cimes et la cinébulle, petit siège pour deux personnes porté par un ballon dirigeable. J’y ai participé modestement, en parlant de l’écologie des lianes forestières, très abondantes dans ces forêts à la canopée souvent ouverte par les prélèvements des grands arbres.

Ce film est sorti le 18 juin 2020 sur Arte.

Le tournage a eu lieu dans les forêts et savanes littorales du Gabon, à 70 km au sud de Libreville. Nous logions dans un lieu proche du village de Nyonié, le campement touristique ‘Chez Béti », installé au début des années 1990.

De Libreville, je garde le souvenir d’une mégapole bruyante, et où les plages accumulent des déchets de manière plutôt alarmante.

De Libreville à Nyonié, le trajet se fait par bateau, à partir de l’embarcadère Michel Marine à Libreville, afin de traverser l’estuaire du Gabon. Arrivés de l’autre côté de l’estuaire, nous embarquons sur un bateau plus modeste qui remonte un cours d’eau, longeant d’immenses marais à palétuviers. Puis nous terminons le voyage en 4×4 jusqu’au campement.

Le campement de Beni est bien situé en bordure de mer et à proximité de deux zones protégées au nord et d’autres tout autour (cf photos ci-dessous). Les photos prises du drone sont de Bertrand Delapierre.

L’environnement naturel de Nyonié

Une forêt littorale de type dense humide et sempervirente s’étendait il y a quatre millénaires toute la côte gabonaise. Trois espèces arborescentes étaient alors dominantes : Aucoumea klaineana, Erismadelphus exsul et Sacoglottis gabonensis.

Ce paysage a progressivement été fragmenté par des savanes pour deux raisons majeures : l’aridité croissante du climat, dont les effets sur les plantes ont été favorisés par des substrats sableux, mais aussi l’homme, plus récemment cependant. En effet, il y avait de nombreux villages à la fin du 15e siècle, dans l’estuaire. Les hommes exploitaient les forêts aux alentours. Les concentrations humaines ont été fortes le long de la côte à partir de la fin du 17e siècle et jusqu’à la fin du 19e siècle, en raison du commerce des esclaves. À la fin de ce siècle, la France a occupé progressivement le pays à partir de l’estuaire du Komo. Le Gabon fut une colonie de l’Afrique-Équatoriale française jusqu’à son indépendance en 1960. Durant ces décennies, ils ont abattu des arbres de la forêt autour de Nyonié. Après 1965, la région s’est alors désertifiée par la migration des populations vers Libreville. Les feux provoqués ont fortement diminué.

La région a alors bénéficié d’un processus actif de renaturation avec accentuation de la couverture forestière et fermeture de la canopée dans les vieilles forêts, protection des mammifères forestiers comme les gorilles et les éléphants de forêts, deux espèces menacées.  Les éléphants sont en fait présents dans une zone large et continue autour du Campement de Nyonié.

Le séjour

J’ai suivi l’équipe de tournage dans les forêts des alentours, dans les divers lieux choisis pour tourner des séquences du film.

Voici quelques séquences du tournage, qui a nécessité de créer une plate-forme dans les arbres afin d’interviewer Francis Hallé dans la canopée (première photo) et de gonfler un ballon pour voir la canopée de plus haut (photos suivantes).

Vue de la canopée à partir du ballon. Photo Francis Hallé

La forêt

Canopée vue d’un drone. Photo Bertrand Delapierre.

Ci-dessous : quelques vues des parties forestières les mieux préservées.

Photo 1: canopée de parasoliers (Musanga sp) colonisée par une liane qui a dévelopé des gousses, bien visibles sur la photo. Photo 2: un dragonnier (Dracaena sp), Photo 3: un bel exemple de “timidité des cimes”: les feuilles se groupent en bouquets entre lesquels il reste un espace

Les fleurs (ou fruits ?) de cet arbre apparaissent sur le tronc directement.

Les lianes

J’ai profité de ce séjour pour observer et photographier les lianes forestières. Certaines sont absolument magnifiques.

Ces sous-bois riches en lianes ont été dessinés par Francis Hallé, qui m’a offert ce dessin fait sur place.

Ci-dessous : photo 1. Une très vieille liane qui a divisé ses troncs en “torons”. Photo 2: une liane à eau: on peut la boire en la coupant !

Une très vieille liane qui a divisé ses troncs en “torons”
Une liane à eau: on peut la boire en la coupant !

Les savanes

Ces savanes sont de toute beauté : le relief est assez conséquent, et les animaux y sont bien présents: buffle, traces de panthère, et ici ce curieux champignon qui est en fait un édifice d’argile construit par des termites. Je n’en sais pas plus !

Quelques anecdotes durant le séjour

En partant en 4×4 tous les matins, j’ai vu plusieurs fois des buffles et quelques éléphants de forêt dans les savanes. J’ai également pu suivre les traces toute fraiches d’une panthère.

Le Gabon, en Afrique centrale, abrite environ 95 000 éléphants de forêt, soit les deux tiers de leur population totale. À cause du braconnage et de la disparition de leur habitat, leur nombre a diminué de 80 % au cours du siècle dernier

Un éléphant m’a joué un bien mauvais tour. J’étais partie dans les sous-bois avec ma caméra pour photographier la canopée vu du sol, avec un guide qui a eu la gentillesse de m’accompagner. À un certain moment, j’ai entendu des craquements très violents : un éléphant dérangé dans son territoire avait décidé de nous en chasser ! Le guide s’est affolé, m’a pris ma camera et est parti en me prenant par la main. Mais l’éléphant, furieux, nous poursuivait ! J’ai propose au guide de monter à un arbre, mais il a refusé, me disant qu’il était capable d’attendre en dessous. Je ne sais pas si c’est vrai, mais nous avons alors détalé jusqu’à la route. Ce guide nous a raconté que ces éléphants des forêts étaient trè ombrageux, et que l’un d’entre eux avait tué un guide il y a quelques années, alors qu’il tentait de protéger une touriste imprudente.

Un deuxième incident désagréable a été pour moi lorsqu’une colonie de fourmis agressives a décidé de m’assaillir. Elles ont grimpé à toute vitesse le long de mes jambes et se sont infiltrées partout. J’ai du me déshabiller devant tout le monde pour les écraser !

Ci-dessous: quelques belles rencontres : coléoptère (rhinocéros ?) et 2 invertébrés géants (?)

Je regrette beaucoup, dans ce voyage, de n’avoir pas pu voir les gorilles, qui une fois, ont passé à côté de nous et auraient pu être observes aisément. On sentait encore leur odeur. Mais le temps n’était pas à l’observation pour les cinéastes.

Le bord de la mer

Le bord de mer, tout proche du campement, permet de nombreuses observations naturalistes.

Ci-dessous : des arbres de mangrove échouent sur la plage. Photo 3 : les crabes parcourent la plage vers le soir.

Quelques mots sur Francis Hallé

J’ai pu apprécier de voyager avec cet exceptionnelle personnalité, fin connaisseur des forêts tropicales, et qui ne se contente pas de les étudier de manière originale : il est également actif pour leur protection. C’est grâce à lui que j’ai pu assister à ce tournage et rapporter des photos de forêts, qui m’ont été précieuses par la suite. J’ai pu aussi profiter de ce voyage lui même, qui m’a permis de découvrir ces forêts littorales en voie de renaturation spontanée.

Francis Hallé est fondateur d’une association intitulée : Association Francis Hallé, et dont j’ai l’honneur de faire partie. L’objectif de l’association est d’agir pour la création d’un vaste espace forestier de dimension européenne : 70 000 hectares, dans lequel la forêt pourra évoluer sans intervention humaine au niveau de ses processus. Cette idée fait son chemin en Europe et devrait couvrir plusieurs pays.

Voici le site web :

https://www.foretprimaire-francishalle.org/le-projet/

Remerciements

Un grand merci à Gilles Santantonio de m’avoir permis d’accompagner l’équipe de tournage dans ce film à la demande de Francis Hallé, ainsi que Bertrand Delapierre pour ses photos. Mes remerciements vont aussi à Damien Saraceni pour la relecture du texte.

Cette publication a un commentaire

  1. Rivoire

    Au Gabon : une belle histoire avant de s’endormir…Merci

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