Texte et photos : Jean-Marie Holderbach, Annik Schnitzler
9 mai 2022 : par une belle journée de mai, nous démarrons notre excursion au niveau d’un des sentiers entre Elsassblick (massif du Grossmann) et col du Narion. Sur le sentier le plus proche de la pente, on peut admirer une tourbière en contre bas, dans la haute vallée de la Hasel.
Ce sentier forestier, sur le flanc Est du Grossmann, inclut de belles formations à hêtre et sapin, mais aussi une impressionnante parcelle d’épicéas morts suite aux attaques du scolyte.
Une route forestière très large nous mène de l’Altmatt, au pied du Grossmann, au col du Narion, par le Kohlweg. Sur le flanc de la vallée menant au Noll, on voit une impressionnante recolonisation d’épicéas survenue après la tempête de 1999. Il ne reste sur cette partie de la crête qu’une très petite hêtraie naturelle, qui a été épargnée par les usages pastoraux du passé et les plantations massives d’épicéas.
Les vues sur le Grossmann nous permettent d’évaluer les impacts des dernières tempêtes et les activités sylvicoles intensives
Au col du Narion, la “Baraque des Juifs” offre un abri sûr. Son appellation, dont l’ancienneté n’est pas établie, tend à passer dans la toponymie ; elle pourrait même être relativement récente (début du XXe s. ?).
Quant au col du Narion, dès le Moyen Âge il constituait un point de passage emprunté par les marchands (les juifs étaient d’excellents commerçants) entre l’Alsace et la Lorraine. Un ancien chemin, montant de la vallée de la Bruche et attesté dès le XVIe siècle, y aboutit. Il permettait d’accéder à l’Altmatt, un important carrefour routier pour le franchissement des Vosges. De l’Altmatt, on accédait notamment à la “Baraque carrée”, probablement un ancien poste de péage, ou au rocher du Frère Léonard, du nom d’un ermite – par forcément un religieux – qui renseignait les passants et, à l’occasion, servait sans doute aussi de poste restante.
À proximité de la Baraque des Juifs : une roche gravée marque la limite entre la Forêt des Sept Communautés (7C), à savoir Niederhaslach, Oberhaslach, Dingsheim, Still, Heiligenberg, Urmatt et Lutzelhouse, et la forêt de Mutzig (M). Outre le sillon directionnel matérialisant la limite, y sont gravés les millésimes ,1770 et 1784, de deux opérations d’abornement ou de renouvellements d’abornement.
En suivant vers l’est la direction indiquée par le sillon, la même limite est marquée par un mur bas, en pierres sèches.
L’âge d’édification du mur n’est pas connu mais pourrait remonter au Moyen Âge, avec certainement des restaurations ultérieures. Après le mur le sentier suit la limite forestière. En maints endroits, il est nettement encaissé, vestige d’un ancien fossé, une autre marque ancienne de limite. Puis de nouveau une borne portant la lettre M et la date de 1784. Ce sentier mène au rocher de Mutzig.
Le rocher de Mutzig (1008 m) domine la vallée de la Bruche. Il se présente sous forme de poudingue fracturé en gros cubes lors des périodes glaciaires. Une végétation de bouleaux pubescents, quelques épicéas et sorbiers colonise ce très beau site.
Nous nous dirigeons ensuite vers la Porte de Pierre (Türgestell), autre formation rocheuse spectaculaire en grès.
À ses pieds, à l’entrée du sentier vers le Jardin des Fées, gît une pierre oblongue avec une belle cupule cylindrique assez régulière. Peu après, nous pouvons apercevoir la Grande côte avec à son sommet le Jardin des Fées, but de notre visite.
Nous y trouvons également un très beau hêtre, de diamètre imposant (un mètre au moins) cassé au sommet, creusé par les pics, mais vivant, comme en témoignent quelques branches qui s’étendent vers le bas de la pente.
Après avoir contourné la Grande côte antérieure, la montée vers le Jardin des Fées (831 m) est plutôt raide. Peu avant le sommet, enfoui sous les myrtilles, apparaissent des amoncellements de pierres disparates formant un rempart qui prend le sommet en écharpe. Près de l’entrée de l’enceinte, émerge du rempart une pierre levée de grande taille, sans doute fort ancienne, que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de menhir.
Au bord du sentier montant au sommet, apparaît sur une roche plate de 1,80 m de large un disque d’environ 1 cm de profondeur et 40 cm de diamètre, avec une petite mortaise cylindrique creusée au centre, et comprenant un canal d’évacuation sur un côté. La même gravure apparaît sur un autre rocher à quelques pas de là, ainsi que sur le rocher sommital.
La signification de ces gravures, de même que leur âge et l’âge de l’enceinte, sont inconnus. Peut-être ce Jardin des Fées faisait-il office de refuge lors de périodes troubles dans un passé lointain ? les disques de pierre pourraient être des empreintes de meules de fortune avec lesquelles on écrasait de la végétation.
En redescendant vers Lutzelhouse, on remarque au pied de l’enceinte un replat, qui pourrait être d’origine humaine. Mais sa contemporanéité avec l’enceinte reste délicate à établir.
Sous ce replat, et ce jusqu’au sentier plus bas, subsiste une belle forêt de hêtraie sapinière sur éboulis, comprenant de magnifiques exemplaires.
Le château de la Muraille sur le Katzenberg
Ce château en ruine occupe le sommet du Petit Katzenberg, proche du rocher de Mutzig. Le château se situe à 903 m d’altitude, ce qui en fait un des plus hauts perchés des Vosges. Il domine les vallées de la Hasel et de la Bruche.
On y accède à partir de la Porte de Pierre, par un joli sentier bordé d’un mur ancien, dont la date de construction et la fonction sont inconnues.
Il occupe un rocher de grès exigu (30 x 12m).
Le pied de ce rocher comprend plusieurs cônes d’écroulement du chateau. Ce château est donc en ruines, avec quelques vestiges bien visibles.
Ainsi, on peut observer, entre le château et le petit rocher du nord ouest, plusieurs murs de pierre entassés et donc certains comprennent une bosse saillante, avec parfois une marque lapidaire.
Sa description et son interprétation sont publiés dans l’Encyclopédie d’Alsace (volume 7, sous le terme de Katzenberg p 4425-”é-). Ce château est relativement bien daté par les caractérsitiques de ses pierre sà bosse, avec liserés minces , courants au XIIe et début XIIIe siècle. Il pourrait avoir été construit autour de 1220. A cette époque, Katzenberg était au coeur du domaine de l’évêché. Il pourrait avoir été édifié par l’évêque, ou par un petit seigneur local ennemi de l’évêque. Ce dernier cas la expliquerait sa destruction rapide. Sa durée de vie n’a donc pas été très longue, car on ne voit aucun aménagement de séjour de longue durée, comme le manque de dépotoir, de basse cours, et aussi l’absence de sources écrites.
En conclusion
Un circuit d’un grand intérêt écologique et archéologique autour de cette belle crête des Hautes Vosges.