Marais et forêts marécageuses : des alliés incontournables pour conserver les ressources en eau et la biodiversité associée

Marais, marécages, forêts marécageuses et inondées abondaient en France avant les travaux d’assèchement des milieux humides, le long des côtes atlantiques et méditerranéennes, dans les vallées alluviales de grands fleuves (Loire, Rhône, Seine.. et affluents), ainsi que dans les dépressions naturelles de grande envergure. On peut y ajouter les surfaces inondées plus modestes de moyenne montagne, où tourbières et petits marécages occupaient de tous les fonds de vallées.

Il n’en reste actuellement que de petites surfaces, trop exiguës et surtout trop surexploitées pour qu’on puisse avoir une claire idée de ce qui a été détruit.

L’assèchement des marais

Les marais, boisés ou non, si nombreux en France, constituaient encore à la fin du Moyen Âge des revenus non négligeables pour leurs propriétaires, paysans et noblesse locale, par une exploitation extensive telle que l’exploitation du poisson par la création de petits étangs, la cueillette des roseaux et de la tourbe, le pacage du bétail, sans compter les ressources cynégétiques. Cela n’est guère étonnant, au vu des richesses naturelles des zones humides, en terme d’habitats et d’espèces.

Plus concrètement : une affaire d’argent

L’évolution des technologies, les luttes des puissants et la quête de terres ont changé la donne, non seulement en France, mais dans toute l’Europe de l’Ouest. Dès la fin du XVe siècle en effet, la bonification et l’assèchement des marais et lacs intérieurs consolident les puissances commerciales et militaires vénitiennes et néerlandaises. En France, les assèchements ont participé d’un mouvement massif de prise de contrôle des terres par la noblesse aristocratique urbaine.

Les premiers assèchements d’envergure débutent sous Henri IV et Sully, période à laquelle une nouvelle aristocratie s’installe au pouvoir. En 1605 naît ainsi l’Association pour l’assèchement des lacs et marais de France. On se propose alors d’assécher 130 000 ha de terres marécageuses, avec pour arguments majeurs que le dessèchement des marais « essuie la terre pour la rendre labourable et fructueuse », que « les palus rendent beaucoup de mauvaises vapeurs, et infectent l’air », reprenant ainsi une idée véhiculée depuis l’Antiquité. En d’autres termes, les espaces « fangeux » sont déclarés répulsifs, pour de multiples raisons : nids de moustiques, sources de maladies, inondés et donc non cultivables.

Neuf grands marais en France, principalement sur les côtes, sont ainsi asséchés entre 1599 et 1630, sur des surfaces considérables, entre 900 et 5000 ha, à l’exemple de la Hollande. Menés souvent d’une manière brutale et précipitée, leur application suscitait souvent donc de nombreuses oppositions dans le pays, en raison de la mauvaise appréciation de la réalité hydrologique parmi les élites politiques, et des pertes financières des propriétaires locaux. Les locaux dénoncent les nombreuses spoliations, car on leur retirait alors les droit d’usage dont un grand nombre dépendait pour vivre. Malgré cela, le discours « dessicateur » s‘amplifie les siècles suivants, période des vastes assèchements et aménagements des grands fleuves. Sur la carte ci-dessous ont été figurés les marais asséchés au cours du XVIIe siècle (source : Rafael Morera, L’assèchement des marais, Editions Presses universitaires 2011, https://journals.openedition.org/artefact/9529)

O. CIZEL, GHZH, Protection et gestion des espaces humides et aquatiques 10 Guide juridique, Pôle-relais Lagunes, Agence de l’eau RM&C, 2010

Depuis ces dernières décennies, les scientifiques étudient les énormes pertes de biodiversité subies du fait des travaux hydrauliques. Les publications se multiplient dans le monde, soulignant les erreurs et adjurant un retour vers une autre gestion des espaces. Un des arguments les plus importants, à l’heure actuelle, est bien le problème de la ressource en eau, si fortement altérée par des canicules à répétition, et qu’on aurait pu éviter en laissant la nature recharger les nappes et conserver les habitats les plus aptes à conserver l’eau : les forêts!

Les marais boisés et forêts alluviales jouent un rôle inégalé et peu reconnu par le public dans la purification des eaux et l’humidification de l’air. Ces écosystèmes stockent l’eau, dans les nappes, le sol superficiel, et les grands arbres, lors des épisodes de crue et de pluviosité élevée, et les restituent en périodes de canicules. En asséchant et en polluant, nous perdons notre capacité de résilience face aux événements climatiques à venir, qui prévoient canicules et assèchements d’envergure des plaines alluviale. Les efforts menés par les protecteurs de la nature pour acheter et redonner vie aux marais sont souvent vains. Il semble qu’il soit actuellement impossible de « retourner en arrière », soit de retrouver la pleine fonctionnalité et les usages extensifs de ces milieux, bien que ce soit techniquement possible.

Ci-dessous voici quelques exemples de l’importance des marais et zones humides pour la société humaine :

Pour illustrer l’importance de cette thématique, je développerai trois articles traitant des sujets suivants.

  1. En premier, l’histoire de l’assèchement des marais des Baux et d’Arles, une grande zone humide du sud est de la France très profondément altérée malgré les titres de protection dont elle bénéficie ;
  2. En second, celle d’une renaturation spontanée, spectaculaire d’un vaste marécage, à l’Est de l’Europe, en Belarus, après exode rural et protection des milieux.
  3. En troisième, les peurs associées traditionnellement aux marais, toujours vivaces dans les sociétés actuelles.

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