Ce voyage dans l’archipel volcanique de Flores, qui appartient aux petites îles de la Sonde, en Indonésie a eu lieu du 13 au 26 juillet 2016, avec une agence de voyage locale. Cet archipel d’une richesse naturelle et culturelle exceptionnelle, abrite volcans, villages traditionnels, un site archéologique unique au monde, et enfin, la rencontre avec le varan géant sur l’île de Komodo et Rinca.
Flores se situe au niveau d’une zone frontière géographique, la ligne Wallace, qui sépare deux grandes écozones que sont l’indomalais et l’australasien aux faunes et flores très différentes Elle doit son nom à son découvreur, le naturaliste Alfred Russel Wallace.
Le voyage a débuté à Maumere, pour prendre ensuite une direction vers l’ouest, en longeant la côte sud de l’île, jusqu’à l’île de Komodo.
Des paysages volcaniques
Flores comprend de nombreux volcans avec au moins 13 volcans fonctionnels. C’est également une zone de forte activité sismique. Celui des Monts Kelimutu est un des plus fameux.
Ce volcan en activité, d’altitude 1639 m dénommé Montagne des Esprits, est connu pour la couleur de ces trois lacs : turquoise, brun et noir. Ces différences de couleur qui varient avec le temps, sont liées aux changements dans la composition chimique des eaux des trois cratères minéraux dissous dans son cratère. Les eaux noires à l’ouest ont un nom faisant référence aux âmes des ancêtres ; le deuxième, vert turquoise, est dédié aux âmes plus jeunes. Le troisième, rouge-brun, abrite les âmes des mauvais esprits.
Nous y sommes allés très tôt le matin, pour admirer les fameuses couleurs sous le soleil levant. Mais la brume épaisse qui couvrait le volcan noir ne s’est malheureusement pas levée !
Le voyage s’est poursuivi le long de la côte sud, émaillée de petites îles, de falaises et de plages.
L’une des plus fameuses plages est parsemée de galets vert magnifiques, dont je n’ai pas pu avoir une idée de la nature géologique. Ces galets très décoratifs sont vendus par sacs entiers.
Les villages
Nous avons visité sur la route plusieurs villages traditionnels.
Quelques uns ont cependant préservé les toits en chaume, comme le village de Bena, avec ses toits en chaume alors que tous les villages ont en général des toits en tôle. Bena est un village « mégalithique », car il inclut des structures en pierre souvent impressionnantes, édifiées à l’honneur du fondateur d’une lignée ou d’un leader qui sont devenus leurs ancêtres spirituels. On trouve aussi les statues des ancêtres sur les toits des maisons.
Dans un autre village proche, le centre du village, dédié aux ancêtres, sert aussi de terrain de foot.
Au cours du trajet, nous nous arrêtons pour admirer des paysages de rizière. Celles-ci sont tout à fait particulières, car édifiées en toies d’araignée. On les trouve à proximité de la ville de Ruteng. Ici, la tradition veut que les vallées cultivables soient divisées de façon à peu près équitable entre les clans familiaux, par rapport à l’irrigation du terrain. La terre est divisée en parts égales à partir d’un centre qui correspond grosso-modo au point le plus irrigué. Chaque part s’étage ensuite en plusieurs parcelles.
Sur cette même route, nous traversons un village qui fête un mariage, et nous assistons à ce qu’on appelle la danse du fouet. Il s’agit d’un rituel ancestral spectaculaire, qui combine l’exaltation de la masculinité avec l’art martial, la danse, le chant et la musique instrumentale. L’ambiance était festive avec plein de monde et de beaux costumes.
L’arrêt suivant est dans une réserve naturelle montagnarde, avec montagnes à 1200m d’altitude, et au centre un beau lac d’origine volcanique, le lac Rana Mese, entouré de forêts tropicales denses. On y observe facilement le macaque.
La visite de la grotte Lia Hua
Flores est devenue célèbre depuis la découverte, en 2004, d’une population humaine de très petite taille appartenant à une nouvelle espèce Homo floresiensis. Cette population, arrivée au cours de la dernière période glaciaire, est unique au monde par sa petite taille (environ un mètre), Elle s’est trouvée isolée sur l’île sans pouvoir en repartir. En effet, Flores fait partie d’une région dénommée Wallacea, située entre deux masses continentales : l’IndoMalaisie et l’Australie, et dont elle forme avec les îles proches la frontière occidentale. Ces îles n’ont jamais été reliées aux îles voisines de Java et Bali, pas davantage à celle de Sulawesi plus au nord, même lorsque la mer s’est abaissée de 100m lors des périodes glaciaires. Par ailleurs, elles sont entourées de courants profonds. Il est donc difficile pour les espèces non volantes d’y arriver et d’en repartir.
Les fouilles de la grotte de Lian Bua a aussi révélé un assemblage d’animaux particulièrement riche en endémiques au cours du Pléistocène supérieur : un éléphant pygmée (Stegodon florensis insularis), un homme, un varan géant (Varanus komodoensis). Concernant les oiseaux : un marabout géant (Leptoptilos robustus), et plusieurs espèces de vautours (Trigonoceps sp.) et de chiroptères.
Comment les espèces non volantes sont-elles arrivées sur l’île ? Sans doute sur des îles flottantes dérivant au fil des courants marins. En effet, la distance de Flores par rapport aux masses continentales proches n’est que de 450 km, et l’île est proche d’autres îles. On suppose que les premiers arrivants ont pu arriver par radeau, lors d’un cyclone ou d’un tsunami, en restant accrochés à des troncs flottants.
Pour éviter l’extinction par manque de ressources ou compétition, ces espèces se sont adaptées de multiples façons. Pour expliquer le « nanisme » (de l’homme et de l’éléphant), on peut argumenter d’une adaptation à l’isolement sur de très petits territoires réduit la taille des grands animaux (qui sinon ne pourraient s’y maintenir sur la longue durée). La petite taille est acquise par une génétique transformée par une très longue insularité (de plusieurs dizaines de milliers d’années).
Que dire des animaux endémiques de Flores devenus géants (rat, marabou) ? On suppose que le gigantisme des îles est liée à l’absence de prédateurs. Les animaux peuvent prendre du poids sans risquer d’être repérés par les prédateurs, qui ne sont pas arrivés sur les îles lointaines ! C’est sans doute le cas des rongeurs, comme cela a été observé aux Canaries. Ici, il existe effectivement un rat de 45 cm de long, avec une queue de 70 cm, qui vit toujours dans l’île de nos jours. Le marabou (Leptoptilos robustus) géant de 1m80 de haut n’est peut-être pas dû à l’isolement, car il pouvait voler, mais plutôt par la tendance naturelle de l’espèce à devenir géante. Cet oiseau gigantesque et carnassier a disparu entre 100 000 et 60 000 ans, comme l’homme de Flores.
Revenons à l’homme de Flores
La découverte de ce petit homme de 1m de hauteur date de 2004. D’autres ossements ont été trouvés plus tard, en 2010, sur le site de Mata Menge, à Flores. Son origine est inconnue. Peut-être descend-t-elle de l’espèce humaine Homo erectus qui vivait aux mêmes périodes en Asie, ou d’une autre espèce qui était déjà petite, car l’allure de ces petits hommes était bien différente. En dehors de la très petite taille de longs bras, des tibias très courts et de longs pieds.
Cette population a vécu à Flores entre 100 000 ans et 60 000 ans, à des densités estimées à 2000 – 5000 individus, soit une personne par 2 km² (chiffres valables pour des chasseurs cueilleurs vivant en zone équatoriale avec mœurs semi nomades). Ils chassaient notamment les petits des éléphants nains, et avaient l’usage du feu.
En 2016, ce n’était que depuis trois mois seulement que le gouvernement indonésien promeut la visite de cette grotte. L’unique route défoncée qui permet de s’y rendre parcourt des forêts cultivées et de petits villages retirés qui étalent généreusement de jolis carrés de café aux couleurs diverses.
L’entrée de la grotte n’est guère mise en valeur. Ci dessous la grotte
Rencontre avec le dragon de Komodo
Le Parc national de Komodo, créé en 1991, et situé au centre de l’archipel indonésien, entre les îles de Sumbawa et de Flores, est composé de trois îles principales (Rinca, Komodo et Padar) et de nombreuses autres îles plus petites, toutes d’origine volcanique.
Il s’agit d’une zone prioritaire de conservation au niveau mondial dont la surface totale est de 219 322 ha. Le climat tropical sec de type moussons explique la présence de forêts de mousson, aux étages inférieurs, d’une forêt humide aux altitudes supérieurs à 500. Les milieux ouverts de savane sont importants savane et de prairies. En bordure de côte, on trouve des mangroves. Mais une grande partie de ces habitats ont été défrichés par l’homme.
Les varans de Komodo constituent la plus grande espèce vivante de varans, avec une longueur moyenne de 2 à 3 m. Cette espèce est la dernière représentante d’une population relique de grands lézards qui vivaient autrefois en Indonésie et en Australie. Ces gros varans sont capables de tuer les grosses proies comme le cerf de Timor, le sanglier, le buffle d’eau, en les mordant, puis en attendant que le venin agisse. Le dragon est classé comme vulnérable sur la liste rouge UICN.
2500 dragons vivent sur les deux îles, Komodo et Rinca. A Komodo, où viennent les touristes, le plus populaire des dragons est un gros individu étendu passivement à proximité des égouts d’une maison du parc, attendant sa pitance. Des gardiens armés de bâtons fourchus entourent les touristes afin de leur éviter une attaque surprise.
L’île de Rinca, moins touristique que celle de Komodo, est plus riche en varans géants. Nous y avons aussi vu des nids, dont en général un seul est fonctionnel, les autres sont des leurres pour éviter la prédation des œufs par un oiseau aptère de grande taille, ou l’aigle de mer qui prédate les petits. Les jeunes dragons évitent de vivre au sol durant quelques années, et préfèrent les arbres, d’où les dragons adultes ne peuvent les dévorer.
Le Parc abrite de nombreuses autres espèces terrestres intéressantes, comme le mégapode de Reinwardt, gros oiseau galliforme des régions tropicales de l’Indo-Pacifique qui assure l’incubation de ses œufs en recourant à la chaleur solaire, volcanique ou à celle provenant de la fermentation contrôlée de substances organiques. La construction de nids de 4,5 m de haut et de 9 m de diamètre leur prend toute l’année. Les varans profitent de ces nids pour y pondre leurs propres œufs
Nous avons aussi vu d’autres jolies scènes de nature : une très belle orchidée, un Cacatoès soufré ou Petit cacatoès à huppe jaune sur un arbre, et deux cerfs de timor (introduits par l’homme), essayant d’attraper des feuilles d’un arbre.
Le dernier soir nous avons attendu dans le bateau à l’entrée de l’île de Kalong, pour observer les chauves-souris frugivores (des roussettes) de très grandes dimensions. Elles s’élancent dans le ciel à la tombée de la nuit, à partir d’une mangrove où elles passent les heures chaudes de la journée à l’ombre. Elles partent en direction de l’île Flores à la recherche dans les plantations fruitières, revenant le lendemain à l’aube.
Commentaires des photos ci-dessus : notre soirée en bordure de mangrove, attendant les chauves souris dans le bateau. Au milieu: une chauve souris avant l’envol. A droite : image de chauve souris à l’aéroport. Les Indonésiens semblent l’apprécier beaucoup !
Le guide nous avait proposé de nous baigner pour observer les fonds marins. Hélas, ils sont presque vides, car les pêcheurs attrapent les poissons à la dynamite ! c’est du moins ce qu’on nous a dit. Et cela semblait vrai, car nous n’avons vu avec notre masque que des coraux explosés. Peut- être cela a-t-il été amélioré depuis 2016 ?
Quelques références
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