Des forêts à haute naturalité dans les gorges de Regalon, Petit Lubéron

Présentation des gorges

Les gorges de Régalon constituent un canyon très étroit et profond creusé dans les calcaires massifs urgoniens du Petit Luberon, dans le sud est de la France. Cette montagne correspond à la partie occidentale du Luberon, qui s’étire de Cavaillon à Manosque. C’est  la partie la moins élevée – 727 m au Mourre de Cairas – et la plus rupestre du Lubéron, avec de hautes falaises et de nombreuses combes profondes qui entaillent ce massif karstique. La plus connue est celle des Gorges de Régalon à Cheval-Blanc. Il s’agit en fait d’un véritable canyon long de plusieurs kilomètres, large en moyenne quelques mètres et profond de quelques dizaines de mètres de haut. Ces gorges traversent toute la partie sud du Petit Lubéron.

Situation du Petit Luberon et des gordes de Regalon en France. Google earth

Ci-dessous : situation des gorges sur les cartes IGN et sur Google Earth. On voit que les gorges sont encore boisées alors que les plateaux environnants ont perdu leurs forêts par multiples usages durant des millénaires.

L’entaille profonde du canyon, comme celui d’autres combes du massifs, s’explique par une incision active par l’eau, qui a eu lieu il y a environ 6 millions d’années. Cette incision est une conséquence de l’abaissement du niveau de la mer Méditerranée, conjugué au soulèvement du Luberon.

Le climat local des gorges est de type méditerranéen, mais bénéficie d’un microclimat humide même au cœur de l’été.

L’ensemble des gorges est protégé par la Réserve naturelle nationale géologique du Luberon.

Ma visite en janvier 2025

On s’engage dans la gorge de Regalon après un bref parcours dans une oliveraie, cernée par les falaises (photo 1). Les falaises sont relatiement éloignées les unes des autres dans la première partie du parcours, permettant à une végétation relativement abondante de se développer sur les parois et à leur base (photo 2). Sur les parois, les plantes (pin sylvestre, buis et autres) poussent surtout sur les replats et fissures où se concentre un peu de sol et de l’humidité. Les lianes sont abondantes et nombreuses : on y voit du lierre (Hedera helix), des ronces (Rubus ulmifolius) et de la salsepareille (Smilax aspera).

Très vite, les parois se rapprochent et la progression dans le canyon commence. Deux magnifiques buis semblent saluer ce passage (photo 3).

Ci-dessous : les plantes comme le buis utilisent les fissures des parois pour s’ancrer et développent des architectures tortueuses liées aux difficultés de croissance dans ce milieu rocheux .

Lorsque les parois sont très rapprochées, les plantes disparaissent par manque de lumière et de substrat. Le passage est alors difficile ! Des rochers tombés de la falaise témoignent d’une érosion toujours active.

Le canyon comporte quelques belles grottes situées soit sur les parois soit près du fond

Quelques petites forêts à haute naturalité

Dans les parties élargies du fond de vallon peuvent se développer de petites forêts sombres et denses, dominées par le chêne vert, érable de Montpellier et micocoulier, et à sous-étage de buis (Buxus sempervirens) et de fragon (Ruscus aculeatus). Le buis peut parfois atteindre 3 à 5m de hauteur. Ces petites forêts présentent  une architecture de forêt naturelle, avec diamètres parfois imposants (autour de 60-80 cm pur). Le bois mort y est très abondant, peut-être en raison des chutes de pierre, qui semblent fréquentes, ainsi que des épisodes de sécheresse estivale prononcés.

La présence de forêts aussi denses est une rareté en région méditerranéenne,  depuis que les usages ont changé. En outre, il est possible que dans le passé, la difficulté d’accès et de transport du bois de ce canyon n’a guère encouragé les coupes.

Des lierres exceptionnels

Le lierre se plait beaucoup dans les gorges de Regalon, aussi bien sur les troncs que sur les pans de falaise, lorsque le niveau lumineux est suffisant.  Il bénéficie d’une humidité toute l’année, un climat doux, une abondance de minéraux et de supports (falaises, arbres). Cette liane germe le plus souvent de la base des bords de falaises, gagnant de la hauteur grâce à des crampons. On en trouve tout le long du parcours dans la gorge. Le parcours de ces lianes est souvent sinueux, en fonction des formes des rochers. Dès que le niveau de lumière est suffisant, le lierre étale largement leurs axes et développe un abondant feuillage.

Certains atteignent de grandes tailles, (près de 30 cm de diamètre). Le lierre ci-dessous rampe sur une surface inclinée de paroi pour atteindre le sommet de la falaise où il étale ses axes.

Les plus gros d’entre eux (30 cm de diamètre) sont morts sans doute en raison de sécheresses estivales trop prolongées ces dernières années.

Un lierre géant

Ce canyon comprend dans une partie un peu discrète du parcours, un énorme lierre, dont le diamètre du tronc est de 45 cm en moyenne. Son écorce, très crevassée, rend cette mesure incertaine, mais cet individu est sans doute un des plus gros d’Europe. Il semble en mauvais état avec de nombreux axes pourris et un feuillage globalement réduit. Ce lierre est bien connu des gestionnaires ONF et des scientifiques du parc naturel régional du Lubéron, pour son caractère exceptionnel. Il va d’ailleurs figurer dans le livre des records des lianes tempérées d’Europe, dans un article prochain d’un des spécialistes américaines de l’écologie des lianes, Stefan Schnitzer (un homonyme !).

Ce lierre peut être considéré comme un monument historique ! toutefois il n’est peut être pas si âgé.

En revanche, ses dimensions sont un record pour l’espèce.

En conclusion Ce canyon se prolonge très loin dans la montagne. Cette petite balade n’est donc qu’une première approche à la connaissance des forêts méditerranéennes de ravins, par ailleurs bien connues par les botanistes, car elles recèlent parfois des espèces rares. Mais d’autres combes peuvent de voir à partir de Google earth, qui seront l’objet d’investigations futures et de découvertes. Toutefois, ces balades se feront aux périodes autorisées, car ces forêts même plus humides que les maquis qui les surmontent sont d’une extrême fragilité face aux incendies.

Ci-dessous: une vue d’avion des combes du Petit Luberon, où les forêts avancent dans les combes.

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