Forêts de volcan et marais d’Ouganda

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Ce voyage de 17 jours, effectué en juillet 2024 par African Escapades, nous a mené dans les forêts et les marais de l’Ouganda. Ce voyage a été très riche en observations sur la faune et les paysages. L’essentiel des photos se trouve sur le site https://www.patricklenoble.fr/. Je ne reproduis ici que quelques unes de ces photos, en plus des miennes.

L’Ouganda occupe un vaste plateau de 1000 à 2000 m d’altitude, situé entre les bras Est et Ouest de la Rift valley. Ce pays est entouré par trois grands lacs: le lac Edouard, le lac Albert et le lac Victoria.

Un peu de géologie

Le rift Est africain qui couvre plus de 9500 km de longueur, a débuté il y a environ 100 millions d’années, mais ce n’est qu’il y a environ 30 millions d’années que se met en place une série d’énormes failles entre les trois grandes plaques arabique, africaine et somalienne. Prenant naissance dans la vallée du Jourdain, il traverse la mer Rouge puis se divise, en Afrique de l’Est, en rift occidental (également appelé « Albertine Rift ») et rift oriental (également appelé « Gregory Rift »). Sa largeur moyenne est d’environ 40 à 60 km, mais dans le désert du Danakil (Érythrée et Éthiopie), elle peut dépasser 450 km.

La forme actuelle de la vallée du Rift est une étape d’un long processus de déchirement du continent qui est toujours actif : on estime en effet que les bords de la mer Rouge continuent à s’écarter, en moyenne, de 10 à 20 mm par an. Il est probable que les trois plaques finiront par se séparer et que l’actuelle corne de l’Afrique se détachera, à terme, du reste du continent.

L’origine du lac Victoria (1133 m d’altitude, 68 000 km², 40m de profondeur) est encadré par les deux branches de la vallée du Grand Rift. Il s’est formé il y a environ 4 millions d’années lorsqu’une dépression s’est formée entre les deux parties de ce rift. Les eaux se seraient accumulées dans cette dépression en raison d’un barrage naturel composé d’épaisses accumulations volcaniques. Les eaux ont envahi cette topographie en creux. Toutefois, compte tenu de la surface du lac, les rivières ont moins participé au remplissage du lac que les eaux pluviales. Il reste donc très sensible aux variations climatiques majeures et s’est d’ailleurs asséché au moins 3 fois depuis sa création, le dernier assèchement en date remontant à 17 000 ans BP et son remplissage à 14 700 ans BP.

Cartes ci-dessous: 1 la situation de l’Ouganda à l’Est du continent. 2. les deux branches du rift entre lesquelles s’est développé le lac Victoria. 3. le déversement des rivières dans le lac

Notre périple va nous mener au sud du pays, entre le lac Victoria et ses marais, un phare de la biodiversité africaine.

Les monts des Virunga

Les montagnes des Virunga sont une chaîne volcanique située le long de la frontière nord du Rwanda, de la République Démocratique du Congo et de l’Ouganda. Elles incluent les parcs nationaux de Mgahinga en Ouganda, le parc national des Volcans au Rwanda et le parc national des Virunga en république démocratique du Congo. Ces parcs abritent les gorilles de montagnes.

Le Parc national de Mgahinga, que nous avons visité, est situé entre 2 227 m et 4 127 m. En 1930, les Britanniques ont créé un sanctuaire de gibier dans la région pour protéger la faune, en particulier les gorilles des montagnes. Puis, le site est devenu une réserve forestière en 1941 dans le but de préserver les paysages naturels. En 1989, le projet de conservation de la réserve de gibier et des gorilles a été revu suite à la pression internationale. Les départements en charge de la gestion de la forêt et de la faune ont collaboré avec une organisation privée allemande afin de mener des recherches plus approfondies sur les animaux et mettre en place un tourisme durable. Le Parc national des gorilles de Mgahinga est né deux ans après, en 1991, dans les limites du sanctuaire original.

Le gorille des montagnes (Gorilla beringei beringei) mesure entre 1,40 et 2 m. Les mâles pèsent entre 140 et 300 kg et les femelles entre 70 et 110 kg.En 2018, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, la population totale des gorilles de montagne atteindrait 1 004 individus contre 880 en 2010 et 680 en 2008.

Ma première vision d’un gorille : un mâle en train de regarder la canopée

Nous avons eu la chance de les voir de très près sans apparemment les déranger. Ce groupe, comme d’autres, sont habitués à la présence humaine. Cette familiarisation graduelle est réalisée par le contact quotidien de professionnels avec le groupe de gorilles, afin de réduire la peur de ces gorilles envers les hommes, voire de les ignorer. Ce processus peut prendre jusqu’à 24 mois. Cependant, ce n’est pas un processus sans risque pour les individus, de par l’exposition à des maladies notamment.

Ce gorille fait partie des 258 espèces de primates africains considérés comme les plus menacés au monde par les activités humaines. Plus spécifiquement, depuis qu’un tourisme s’est développé autour d’eux, ils sont menacés par les maladies humaines. C’est pourquoi nous portions tous un masque. Le contact avec une famille de gorilles ne dure pas plus d’une heure, et nous devons rester à distance. Mais ce sont les gorilles qui venaient vers nous, voire nous toucher ou nous bousculer.

Nous avons passé par le parc national de Bwindi, où se trouvent d’autres gorilles, que nous n’avons pas vu. Il semblerait que la recherche de ces animaux est nettement plus difficile, car les pentes sont raides !

Photo 1l les forêts du parc national de Bwindi. Photos 2 et 3: les expressions émouvantes des gorilles dans ce massif. ces photos sont de Jean Paul Meyer.

Rencontre avec les Pygmées Batwa à Kosoro

Les pygmées Batwa vivaient dans cette région des montagnes équatoriales de la région des Grands Lacs depuis des millénaires, selon un mode de vie basé sur une utilisation extensive des ressources forestières et sur le respect de sites sacrés. Au XIXe siècle, les déboisements effectués par d’autres peuples d’agriculteurs et pasteurs les ont confronté à une nouvelle vie, par une intétgration à une échelle sociale peu valorisée. Avec l’avènement du colonialisme, l’exploitation de la forêt à grande échelle et l’intérêt croissant pour les trophées de chasse, la surexploitation et la destruction des habitats et de la faune de la forêt de l’Afrique du Centre
ont eu un impact majeur sur les communautés de Pygmées Batwa. Toutes les communautés de Pygmées
Batwa souffrent de la perte de leurs territoires forestiers traditionnels et d’autres ressources naturelles, d’insécurité et d’actes de violence individuels, de déplacements forcés dus aux guerres et, ainsi que du tourisme et de l’exploitation de la forêt, d’exclusion sociale et politique, de pauvreté, de mauvaise santé, de projets d’éducation inadaptés et de stéréotypes négatifs.

Ceux que nous avons rencontrés proposent des sorties aux touristes, leur montrant leurs connaissances de la forêt et leurs danses traditionnelles. Ci-dessous : l’art de faire du feu. Il faut choisir le bois de l’espèce Dombea dont l’écorce est facile à enlever; qui sèche vite, et qui quand on frotte, se brise facilement et favorise la flamme. Ci-dessous, les étapes de la fabrication du feu :

Ci-dessous : Nos guides nous montrent aussi un arbre (Mailica indica) dont l’écorce fait vomir après avoir été bouillie. Les Batwa se faisaient vomir en cas d’empoisonnement par les villageois à qui ils avaient volé la nourriture (photos 1 et 2) . Cet arbre est aussi utilisé par les animaux sauvages (buffle, éléphant, gorille) sans doute pour une action médicinale.

Photo 3: la petite cabane où ils s’abritent durant la chasse.

Ci-dessous : un danseur particulièrement doué !

Le fait d’avoir supprimé les territoires traditionnels de ces populations au eu pour effet que bien des aspects de leur culture ancestrale s’est perdue. Notamment leurs lieux sacrés comme ce tunnel de lave qu’ils montrent aux touristes, mais qui a perdu tout son sens profond.

Les cercopithèques roux

Le singe doré ou cercopithèque roux est une espèce de primate en voie de disparition et endémique au massif
des Virunga, avec une population estimée entre 2 000 et 4 000 individus. Il partage son habitat avec les
Gorilles de montagne.

Ascension du Mont Gahinga

Le mont Gahinga (33 km²) est un volcan endormi des montagnes des Virunga situé à la frontière entre le Rwanda et l’Ouganda. Le mont Gahinga, également connu dans la langue locale comme « un petit tas de pierres ». Sa montée très raide prend environ sept à huit heures pour arriver au sommet de 3 474 m.

Les premières heures sont consacrées à l’approche du volcan. Les paysages sont très utilisés par l’homme et la forêt rare. Elle devient progressivement plus dense quand on monte en altitude.

Les pentes du volcan se referment progressivement par une forêt constituée de nombreuses espèces d’arbres, dont Hagenia abyssinica (Rosacées), dont les troncs, parfois multiples, peuvent atteindre 2m de diamètre, et qui se ramifie en grosses branches étalées. Des bambous (Arundinaria alpina) se mêlent à cette forêt, prêts à prendre toute la place dès qu’un ou plusieurs gros arbres tombe (photos 1 à 3 ci-dessous).

Dans les photos ci-dessous : le grand bambou, une espèce colonisatrice, occupe toute la place sur des hectares de pente. Il développe des tiges jusqu’à 20m de hauteur. La forêt de bambous va rester en place de nombreuses années, jusqu’à ce que tous les bambous fleurissent en même temps, puis meurent. On voit sur les photos ci-dessous que ces clones de bambou ont des âges divers : les photos 1 et 2 montrent des individus dynamiques, la photo 3 un clone plus âgé où la plupart des tiges tombent.

La montée se poursuit, avec des changements de paysage marqués par une absence progressive des arbres, remplacés par de hautes herbes et des buissons géants comme les bruyères arborescentes. L’humidité de plus en plus marquée permet à des mousses et des lichens de se développer sur les branches, comme l’usnée (photo 3 ci-dessous).

La flore au-dessus de 3000 m d’altitude est de type afro-alpin: elle correspond à des herbacées ligneuses de très grandes tailles, poussant sur sol très organique, voire tourbeux. Les Lobelia et les séneçons sont les plus fréquentes. Les Lobelia ont un tronc simple, atteignant plusieurs mètres, et portant une rosette terminale de feuilles longues et étroites, du centre de laquelle s’élève un énorme épi (2-3 m.) de fleurs bleuâtres. A cette époque de l’année, nous n’avons pas vu les fleurs. Les séneçons (Senecio) à grande rosette sommitale occupent une grande partie de cette flore de montagne, avec les immortelles (Helichrysum) à fleurs jaunes. Toutes ces plantes sont couvertes de lichens et de mousses. Cette flore exceptionnelle se retrouve sur tous les volcans d’altitude en Afrique.

Superbe sénecon à plusieurs tiges terminales, couvertes de lichens et de mousse. A l’arrière plan, Erica arborea, la bruyère arborescente.

Une vue magnifique sur ce cratère aux pentes constituées de ces forêts d’herbacées géantes, à la limite entre 3 pays !

Vue sur le cratère Gahinga avec marais en contrebas. En premier plan: sénecons géant au centre, Hypericum à droite.

De retour au camp de base, on nous a montré deux magnifiques caméléons trois cornes, très colorés, un mâle et une femelle. Le mâle possède sur la tête trois cornes, deux étant placées sur le front alors que la troisième est au bout du museau. La femelle n’en possède p.

La rivière Inshasha, sud de la Queen Elisabeth

Le parc national Queen Elizabeth est l’un des plus grands parcs nationaux ougandais. Il est situé au sud ouest de l’Ouganda autour et entre les lacs Edouard et George. Depuis 1979, ce parc a reçu le label Réserve de biosphère de l’Unesco

Nous avons dormi durant 3 nuits devant la rivière Inshasha, face aux hippopotames

De nombreuses parties du parc sont soumises à des feux constants pour empêcher la repousse des arbres. Pratique contestable sans doute, car elle détruit les sols et rend le milieu artificiel et fragile. nous y observons une faune variée: phacochère, buffle, éléphant, ongulés, et quelques grands carnivores: léopard, hyène, lion pour les mammifères

Ci-dessous: photo 1: paysage brûlé; photo 2: cobe de Buffon; photo 3: phacochère

Panthère se reposant sur un sol brûlé
La panthère craint visiblement le phacochère ; on la voit se raplatir au sol.

Un repas de choix pour une hyène et des vautours

Ci-dessous: lionne se reposant dans un arbre. Elle porte un collier pour une étude qui est à présent finie, mais on lui a laissé son collier, qu’elle gardera à vie. Pluitôt choquant !. PHoto 2! : topi ou Damalisque; Photo 3: Francolin

Canal Kazinga, entre le lac Georges et le lac Edward.

Superbe couple de touracos.

Ci-dessous: Quelques grands oiseaux magnifiques photo 1: Jabiru d’Afrique photo 2 marabout; photo 3 cigogne à bec ouvert;

Les grues couronnées vivent en Afrique dans les zones sèches. Elles se reproduisent cependant dans les marais.

Ci-dessous: varan le long de l’eau et grimpant dans un nid d’ombrelle pour prédater les oeufs

Aigle pêcheur et deux espèces de martin pêcheurs en bordure d’eau

Nous avons eu l’opportunité d’observer les très timides hylochères se vautrant dans le sable en bordure de l’eau. Les hylochères sont difficile à observer car ils sont craintifs et de moeurs nocturnes. Ils vivent en groupe de six à quatorze individus sous la dominance d’un mâle.

Les hylochères comprennent trois espèces réparties en Afrique centrale et en Ethiopie.

Une petite troupe d’hylochères en bordure du lac.

Quelques photos des bords du canal: photo 1: papyrus avec arrière plan de colline sèche; photos 2 et 3 euphorbiacées sur les bordures boisées du canal

Ci-dessous: photos insolites d’éléphants devant la rivière

Les marais de Mabamba sur les bords du lac Victoria

Le Lac Victoria

Le lac Victoria est vaste: une superficie de 68 100 km2 ! c’est le plus grand lac d’Afrique. Il occupe une dépression naturelle entre les deux parties de la vallée du grand rift. Ce lac constitue la source du Nil blanc, le plus long affluent du Nil.

Situé non loin d’Entebbe, ce marais fait partie des 33 zones importantes pour la conservation des oiseaux en Ouganda, et est inscrit sur la liste de la Convention Ramsar depuis 2006.IL s’étend sur 165 km² dans une baie des abords du lac de Victoria

Le lac Victoria est entouré de zones humides à faire rêver par leur ampleur et leur biodiversité

Un bateau à fond plat nous emmène au plus profond du marais/. Magnifiques paysages riches en oiseaux (ci-dessous photo 3 le jacana qui marche sur les nénuphars grâce à ses très longs doigts.

Ci-dessous: héron crabier avec au premier plan un jacana. Photo 2: photo romantique d’un magnifique nénuphar

Le bec en sabot du Nil est un oiseau mythique et endémique d’Afrique, seule espèce d’un seul genre (Balaeniceps). Il svit dans les lacs et grands cour d’eau et marais à papyrus et nénuphars. Difficile à observer dans son milieu , mais nous avons eu la chance de le voir un long moment. Son énorme bec lui sert notamment à croquer des petites tortues qui sont très abondantes dans ce marais. Il est classé vulnérable car menacé par les activités humaines. C’est un oiseau lent et surprenant par son physique.

Bec en sabot aux aguets. Photo Patrick Lenoble

Ce marais est une pure beauté : des paysages uniques, une faune extraordinaire !

Quelques photos de la vie quotidienne en Ouganda

Un marché aux poissons, et un marabout qui attend sa pitance !

Ci-dessous Phots 1 et 2: une belle race locale de bovidés; photo 3: un four en activité.

Et le passage de l’équateur !

En conclusion

Un voyage magnifique, dirigé magistralement par Frédéric March, un fin connaisseur des beautés naturelles et humaines de l’Afrique

Bibliographie

Paugy D. et Levêque C. 2018. Le lac Victoria, Origine et genèse d’un grand lac tropical. IRD Editions.

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