Une randonnée sur l’Etna à la fin de l’éruption de février 2025

Quelques généralités sur l’Etna

Un des plus beaux volcans d’Europe est l’Etna, en Sicile. Le climat est de type méditerranéen. Les précipitations maximum sont de 1400 mm vers 700 m d’altitude. Le versant Ouest est moins arrosé que le versant Est, plus proche de la mer.

Ce volcan est le plus actif d’Europe, et aussi le plus haut, avec une altitude très élevée (3357m), mais variant en fonction de ses explosions. Cet énorme volcan couvre une superficie totale de 1500 km² avec un diamètre de base de plus de 35 km. Les activités explosives et effusives maintes fois répétées expliquent la présence d’environ 300 cratères latéraux et 250 tubes de lave sur ses flancs.

Les sommets de l’Etna par un jour pluvieux du mois de mars 2025

La carte géologique ci-dessous donne quelques dates des principales coulées de lave, mais d’autres se sont surimposées depuis.

La plus célèbre des éruptions est celle de 1669, qui a atteint Catane, ce qui est très rare. De nombreuses représentations en ont été faites. Elle a frappé les esprits pour les siècles qui ont suivi.

Les cratères qui ont causé tant de ravages en 1669 sont devenus, au fil du temps, un parc de banlieue au sein de la ville de Nicolosi. Ainsi, le mont Rossi est actuellement entièrement couvert de pins plantés (dont certains ont brûlé), elles constituent aujourd’hui un parcours nature et sportif appelé Pineta di Nicolosi qui se visite.

Ci-dessous : le mont Rossi vue de Nicolosi, planté en pins.

L’Etna est devenu Parc Naturel régional depuis 1987, afin de mieux protéger ses paysages. En 2013, l’Unesco a inscrit le volcan dans la liste des biens patrimoniaux de l’humanité sur 19 737 ha, et une partie de ce parc correspond à une réserve intégrale. En outre, il existe neuf sites zones Natura 2000. Aucune installation humaine n’est présente laissant place à de grands espaces de nature libre. Dans cette zone protégée, l’objectif est de permettre à la nature de suivre son cours en limitant au maximum l’intervention de l’homme. Les anciennes plantations faites du temps de Mussolini en 1935, sont notamment laissées en libre évolution.

Les paysages de l’Etna

J’ai parcouru les flans de l’Etna entre Nicolosi, le refuge Sapienza et Zafferana, par un temps très brumeux, parfois pluvieux. La colonisation végétale sur volcan est en effet très intéressante à observer, car elle varie en fonction de nombreux facteurs.

Les stress sur les plantes, et notamment les forêts qui ont pu coloniser certaines pentes, sont en effet nombreux sur les volcans actifs. En premier, l’enfouissement sous de nouvelles couches de lave ; ou encore les empoisonnements par les émanations toxiques des bouches actives. En revanche, les fumerolles riches en chlorure d’ammonium constituent une source d’azote pour les plantes.

Mais les coulées de lave épargnent généralement des portions de boisements, ce qui permet une recolonisation à partir des plantes épargnées. Toutefois, les vitesses de recolonisation diffèrent en fonction de l’altitude et des substrats. Sur matériel pyroclastique, à texture poreuse et fine, le terrain est extrêmement perméable, excluant les cours d’eau et accentuant le caractère sec du climat méditerranéen. Mais ce matériau tempère les extrêmes de température, le gel en hiver et la sécheresse à quelques cm en été. La colonisation est donc relativement rapide (quelques siècles) surtout sur les pentes les plus proches de la mer, et donc les plus humides.

Autre type de dépôt : les cendres. Elles favorisent le lessivage et empêchent la formation de matière organique. Les cendres étouffent aussi les banques de graine enfouies dans les anciens sols.

Sur les laves constituées de blocs de tailles variée, les surfaces exposées aux intempéries (vent, soleil, ruissellement) ne sont favorables qu’aux lichens incrustants. Dans les meilleurs cas, il faut 15 ans pour les premiers lichens (dont une endémique : Stereocaulon vesuvianum), qui donnent une teinte argentée aux roches, de toute beauté.

Sur la coulée de 1992, la colonisation n’en est qu’aux lichens, mais quelques mousses commencent à se développer. Cette coulée s’est arrêtée avant d’atteindre Zafferana. Une statue de la vierge, portée devant la coulée, l’aurait arrêtée à temps.

En effet, il faut 30 ans pour que les mousses s’installent, et plus de 100 ans pour les premiers buissons de Genista aetnensis, accompagnés d’herbacées (Rumex scutatus, Helichrysum italicum, Cerastium semidecandrum). Ces buissons restent stables plusieurs siècles.

Ci-dessous : forêt buissonnante de Genêt (endémique de Sicile)

Quant aux forêts, elles n’apparaissent qu’après plusieurs siècles pour certaines, mais cela dépend du substrat et de l’altitude. Sauf lorsqu’elles ont été plantées. En effet, les coupes de bois étaient sans doute fréquentes dans le passé, même s’il n’y avait aucune route au-dessus de Nicolosi. Mais tout a changé sous la dictature de Mussolini, qui à partir de 1935, a souhaité développer le tourisme et développer la région. La route vers Sapienza a été construite, et tous les volcans de basse altitude ont été artificiellement plantés en pins. Il a aussi fait assécher les marécages plus bas en altitude, avec des plantations d’eucalyptus. Ces plantations sont inflammables.

Cette photo montre en premier plan la coulée de lave de 1983; une vieille forêt de chênes naturelle, et en arrière plan, une forêt de pins laricio plantés.

Les coulées de lave détruisent parfois les maisons édifiées le long des pentes, ici sous le refuge Sapienza.

Une maison enfouie sous la lave en 1992

L’événement du 8 février 2025

A cette date, une coulée de lave particulièrement spectaculaire s’est répandue à partir d’une fissure située entre le cratère Bocca Nuova et la cratère Sud Est. Cette fissure s’est étendue vers le Monte Frument Supino. L’activité est purement effusive, ce qui signifie que la lave coule sans exploser.

La beauté de cette coulée était saisissante, car l’incandescence était rehaussée par l’épaisseur de la neige (plus de 2m). Elle était visible depuis les villes les plus proches.

A cette altitude de près de 3000m, les visiteurs étaient encore rares, car la montée était éprouvante.

Mais lorsque la coulée est descendue de 3 km, jusqu’à 1800m d’altitude, l’altitude relativement basse l’a rendue accessible à de nombreux visiteurs.

« il y a eu des dizaines de drones volant autour et au-dessus de la coulée ; beaucoup de bruit aussi, avec des gens qui jouaient de la musique, et qui criaient »

Antonio Reira, un des guides de l’Etna.

L’imprudence de certains visiteurs, relevée par les autorités, a eu parfois de graves conséquences. En effet, un des dangers était que sous ce manteau neigeux, se cachent d’anciennes coulées de lave avec de trous profonds, où plusieurs personnes se sont cassé la jambe. Par ailleurs, la lave est encore brûlante et émet des gaz. Ceux qui s’en approchaient le plus près étaient donc en danger. Les équipes de secours intervenaient constamment pour rechercher les personnes perdues ou blessées.

Ma visite dans la forêt partiellement brûlée le 9 mars 2025

J’ai pu visiter cette coulée de lave 10 jours après son arrêt définitif, avec le guide Antonio Reira. Malheureusement je n’ai pas pu venir plus tôt, j’avais une entorse !

Le trajet était relativement facile, mais assez long : 12 km aller retour dans un paysage de laves anciennes, partiellement boisées. Sur le trajet, se trouvait une statue d’un saint, protecteur des forestiers !

Arrivée à l’endroit de la coulée, j’ai pu admirer le trajet de la longue coulée noire et maintenant immobile sur une grande partie de sa longueur à partir du sommet (où on voit quelques éruptions d’eau et de gaz de l’Etna). La troisième photo ci-dessous est celle d’une coulée bien plus ancienne, mais très peu colonisée.

La coulée s’est arrêtée au niveau d’un petit boisement naturel de pins laricio, qui n’a sans doute jamais été exploité, du moins durant ces derniers siècles. Mais les arbres restent petits et dispersés, car les conditions de croissance sont rudes à cette altitude, et sur blocs de lave.

En remontant le long de la coulée, on s’aperçoit qu’elle est encore très chaude, avec nombreuses fumerolles et zones blanchies par la combustion.

Du bois mis au contact de ces bouches s’enflammait facilement. Mais le plus intéressant était l’odeur très spéciale que dégageait la coulée : un mélange de soufre et de bois brûlé, sans doute lié à la présence de résineux (pin mais aussi genévrier).

Le volcan est rentré à nouveau en éruption quelques jours après notre départ, le 15 mars 2025… mais qui n’a duré que quelques jours.

En conclusion

L’histoire naturelle de l’Etna et notamment de ses forêts est tout à fait passionnante, elle révèle le dynamique forestier en dépit des contraintes liées au volcanisme actif et aux substrats. Ces milieux sont parmi les plus impressionnants qui soient en Europe.

Remerciements

Un grand merci aux différents photographes du site Etna 3340.com qui ont envoyé leurs photos au groupe durant la phase active de la coulée, et à Antonio Reina, avec qui j’avais déjà effectué une randonnée il y a 4 ans. Je le remercie notamment pour ses explications scientifiques de grande compétence. Mes remerciements aussi à Damien Saraceni pour la relecture de ce texte.

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