L’aven des Espélunques, Languedoc : une histoire singulière

Le gouffre des Espélunques se situe sur la bordure Nord du vaste plateau des Garrigues de Nîmes, à 500 m environ du village de Dions. Ce gouffre est la plus grande entrée de France, avec un diamètre supérieur à 100m et une profondeur d’environ 60m. Son point bas de l’aven se situe au-dessous du lit du Gardon qui passe à proximité.

Sur cette photo prise par drone, le gouffre se trouve au premier plan vers la droite de l’image. Au fond, le Gardon.

Photo Thierry Aubé

La forme du gouffre est très asymétrique : la partie Nord est constituée par une falaise de calcaire qui comprend en surplomb, à sa base, un vaste auvent à sol plat et nu. Le versant vis-à-vis est moins escarpé : vertical au haut du gouffre, la pente s’adoucit rapidement, avec un éboulis quia arrive à la base du gouffre. Cet éboulis se poursuit par une salle d’une cinquantaine de mètres de long sur 15 à 20 de large et dont le sol est plat et nu.

Le dessin ci-dessous est la topographie publiée par F. Mazauric de la grotte des Espélunques, cavité dont une topographie moderne plus précise est fournie à la page qui suit.  Elle est indiquée sur les cartes au 1/25 000 presque au bord de la route, 300 m à l’est du village de Dions, 100 m avant le pont sur le Gardon

Actuellement, les parois du gouffre sont recouvertes par une végétation dense, sur les 3/4 du tour. La lèvre nord, exposée au sud montre une végétation euméditerranéenne voir thermoméditerranéenne (genévrier à fruits rouges, lentisque…)

Dans la partie boisée, le chêne pubescent domine sur lesquelles’accrochent de nombreux lichens, en raison de la forte humidité qui y règne (cf photo ci-dessous). On y trouve aussi d’autres espèces comme le micocoulier. Vers le bas d la pente, la végétation se fait plus basse, avec notamment une forte couverture de lierre puis de ronce dans l’éboulis. Le lierre couvre également les parois de l’auvent, formant localement des draperies qui pendent à partir du plafond. Cette exubérance végétale est à mettre sur le compte d’un environnement très humide, lié à la condensation de la vapeur d’eau dans un fond relativement frais même en été.

Photo ci-dessus: le gouffre vu par drone

Cette couverture végétale est relativement récente : des photos prises par F. Mazauric dans le gouffre à la fin du 19e siècle (cf photo ci-dessous) indiquent des parois dépourvues d’arbres, sans doute en raison du pâturage dans ce site proche du village de Dions.

 Ce n’est que depuis l’abandon des pratiques pastorales traditionnelles, que la nature a repris ses droits, quoique les chênes présentent une architecture à plusieurs troncs due à des coupes de taillis  d’usages.

Le gouffre d’Espélugue avant l’effondrement

Photo du fond du gouffre avant l’effondrement du plancher. Photo Michel Wienin

Un phénomène karstique aussi spectaculaire qu’exceptionnel : la création d’un nouveau gouffre

Mardi 27 décembre 2022, dans la matinée, une randonneuse visitant le fond du gouffre a vu le sol plat et limoneux s’effondrer lentement. Dans les heures qui ont suivi, cette surface plate s’est lentement transformée en cuvette puis a cédé la place en quelques heures à un « cratère » aux parois quasi verticales de près de 30 mètres de diamètre et de 16,5 m de profondeur. Le fond touchant le niveau de la nappe phréatique liée au Gardon qui coule à proximité, s’est rempli d’eau.

Fond du gouffre de l’Espélugues vu par drone. Photo Thierry Aubé

Le suivi du soutirage a été pris en charge directement en charge au nom du Comité départemental de Spéléologie du Gard (CDS 30).

https://www.francebleu.fr/infos/insolite/le-gouffre-de-dions-interdit-d-acces-pendant-plusieurs-mois-apres-un-spectaculaire-glissement-de-terrain-5589018 :

“le gouffre correspond à un effondrement formant barrage sur un bras souterrain inaccessible du Gardon. Le fond plat de la salle était constitué de limons, datant de la période géologique de l’Holocène (ou interglaciaire actuel). Ces limons ont été mis en place au cours des derniers millénaires par des débordements dans une galerie de grandes dimensions d’eaux de crues du Gardon. On pouvait s’attendre à ce que le barrage formé par ces limons devait un jour s’effondrer, mais l’événement lui-même était tout à fait inattendu. Il est possible que la grande sécheresse de l’été 2022 ait joué un rôle dans le développement de ce processus. S’approcher de l’abrupt est dangereux. En 1 h 1/2 d’exploration, une fissure à 10-15 cm du bord a doublé de largeur et une autre (au niveau de l’alignement de cailloux) est apparue. La position du bord continue de reculer et, à assez court terme, la majeure partie du fond plat de l’aven risque de disparaître dans le trou. L’accès au fond (sentiers de descente) a été interdit par arrêté municipal. Des barrières et des rubalises ont été mises en place au départ des sentiers d’accès.”

https://www.francebleu.fr/infos/insolite/le-gouffre-de-dions-interdit-d-acces-pendant-plusieurs-mois-apres-un-spectaculaire-glissement-de-terrain-5589018

J’ai eu la grande chance de pouvoir accéder jusqu’au bord du nouveau gouffre une semaine après sa formation, en compagnie de Michel Wienin, responsable de l’étude à venir du gouffre, et qui venait  y prélever l’eau du fond du gouffre à l’aide d’une bouteille suspendu au bout d’un fil, ainsi que de mesurer le taux de radioactivité.

En effet, les deux principaux problèmes concernant l’atmosphère des cavités naturelles sont le gaz carbonique et le radon. Pour le premier, nous savions qu’il n’y en avait pas ou très peu car un spéléologue de l’association était déjà descendu jusqu’à l’eau sans en rencontrer. Pour le radon, le remplissage limoneux est formé d’alluvions en majeure partie issus des micaschistes cévenols qui contiennent des traces d’uranium alors que le calcaire blanc urgonien en est exempt. Michel Wienin donc vérifié que la radioactivité locale n’était pas amplifiée par un effet de piège et que du radon n’aurait débordé sur le fond plat où nous étions.

Les abords du gouffre sont impressionnants par leur largeur, par le nombre de fissures apparaissant en bordure du gouffre et par les bruits de chute des pierres tombant au fond du gouffre, et prouvant l’instabilité du site.

Une belle image de ce nouveau gouffre (Thierry Aubé)pour admirer l’importance de l’effondrement. Ce gouffre peut encore s’agrandir dans un futur proche.


Maurin Y. et Wienin M. Le gouffre des Espélunques à Dions (Gard), Nîmes, Lacour, 1992.

Je remercie vivement Michel Wienin pour la visite et les explications sur la géologie de ce gouffre ainsi que Thierry Aubé pour les photos prises par drone

Cet article a 8 commentaires

  1. Saint martin

    Article très intéressant merci

  2. Thierry Mellarède

    On ne nous dit pas clairement où est passée la masse qui s’est effondrée.

    1. Annik Schnitzler

      L’aven nouvellement formé se trouve au fond du goufre de l’Espélugues

    2. Le sous tirage à était progressif, sur plusieurs mois ou plusieurs années, accéléré par des variations climatiques récentes et aidé en cela des percolation, le long des parois qui peu être asimilé à un phénomène de solifluxtion. Le résiduel était insignifiant lors de l’effondrement et n’a pas était mesuré dans les 3 m d’eau au fond de la dépression, sachant qu’on ai en dessous du Gardon actuel et dans la partie du Gardon souterrain.

      1. Annik Schnitzler

        merci pour ces précisions !

  3. Robert Ponzo

    Très curieux, ce phénomène. Mais la plupart des photos n’apparaissent pas ???

  4. Bazin

    Les photos sont elles tombées au fond du gouffre ? Reportage très intéressant.

    1. Annik Schnitzler

      j’ai refait le reportage, j’espère que maintenant c’est plus clair ! merci de votre remarque

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