Islande : forêts, champs de lave et rivières sauvages

Présentation générale du pays

L’Islande (103 000 km²) est la seconde grande île de l’Océan atlantique après la Grande Bretagne. Elle consiste en plateaux basaltiques de lave, datant d’il y a 16 millions d’années. Elle est située dans une zone de volcanisme actif, elle se caractérise par des successions de pics montagneux et de glaciers dans sa partie centrale, et une côte découpée de nombreux fjords, notamment au nord et au nord ouest.

Cette maquette édifiée dans le musée ethnographique de Vik montre le relief typique de l’Islande sur la côte sud ouest, riche en langues glaciaires et en larges bandes côtières.

Le climat est relativement froid, quoique les températures soient modérées par le courant chaud nord atlantique. Les températures moyennes en janvier à Reykjavik sont de 2°C et 14° en juillet. Les pluies sont abondantes en raison de la position géographique de l’Islande, située dans une zone de dépression, entre air maritime doux et masses d’air froid polaire. Les sols de l’île étant d’origine volcanique : ils s’érodent facilement après déforestation ou pluies abondantes.

Les paysages originels de l’Islande : forêts, champs de lave, vastes zones alluviales, langues glaciaires.

La forêt

Une couverture forestière changeante

L’Islande a été un pays partiellement forestier, ce qu’on ignore le plus souvent au regard de ce qui en reste aujourd’hui. Avant l’arrivée des hommes au IXe siècle, elle couvrait environ 25% du territoire, s’avançant des côtes vers l’intérieur en fonction des oscillations climatiques et des phases éruptives.

Ci-dessous : trois cartes photographiées au musée de Vik, illustrant la couverture végétale au IXe siècle, qui correspond à une période climatique favorable à l’extension forestière. Et ce avant l’arrivée des colons norvégiens. Carte 1 : l’extension des forêts de bouleau pubescent à cette époque. Carte 2 l’extension des forêts de bouleaux pubescents en vert foncé et des bouleaux nains (en buissons) en vert clair. Photo 3 : une carte de l’Islande avec des nuances de jaune à brun foncé. Plus les couleurs sont claires, plus le milieu est favorable à la végétation.

La forêt islandaise est constituée d’une espèce majoritaire, le bouleau pubescent (Betula pubescens). Cet arbre, qui peut atteindre jusqu’à 25m dans l’hémisphère nord, ne dépasse que rarement 15m en Islande, pour des raisons évidentes d’adaptation au climat nordique de l’île. En fait, il s’agit plutôt d’un hybride de longue date, avec le bouleau nain subarctique (Betula nana), qui occupe les étages supérieurs des montagnes, au-dessus de 400-500m d’altitude. Le bouleau nain est un buisson rampant qui ne dépasse pas 1m de hauteur, et qui occupe la toundra arctique.

Le bouleau pubescent tortueux n’a qu’une courte durée de vie, autour de 120 ans. Il ne bénéficie pour sa croissance que de deux mois durant l’été. Durant cette période, il peut souffrir d’attaques d’insectes qui durent un à trois ans, qui l’affaiblissent suffisamment pour limiter sa croissance. Il est également sensible au gel et à la sécheresse. Ces différents facteurs expliquent la répartition de l’espèce aux pourtours de l’Islande, mais avec des avancées des forêts vers l’intérieur de l’île lorsque les conditions climatiques se font plus clémentes.

Ci-dessous : les forêts de bouleau peuvent être relativement denses lorsque les conditions sont favorables, dans des ravins bien éclairés et humides, ou en bordure de cours d’eau. L’architecture de ce bouleau de type tortueux est bien visible sur la photo 3. Les dimensions maximales de cette espèce ne sont pas connues, mais ne dépassent pas 15m.

Un milieu extrême

La forêt en tant qu’écosystème atteint cependant ici ses limites écologiques, en raison des perturbations et stress d’un environnement subarctique, auxquels s’ajoutent les éruptions volcaniques, qui généraient de vastes champs de lave impropres à la recolonisation arborée durant plusieurs siècles, les avalanches de grande ampleur générées par ces mêmes éruptions, les coulées de débris après des fontes brutales de neige ; des averses intenses ou des pluies de longue durée, et les grandes inondations. A cela s’ajoutent les oscillations climatiques de l’Holocène. Ainsi, les périodes les moins favorables à l’expansion de ces forêts ont été celles marquées par l’avancée des glaciers, détectées il y a 4700 ans ; 4200 ans, 3200 ans, 2000 ans, 1500 ans et 1000 ans.

En revanche, au moment de l’établissement des premières colonies norvégiennes en l’an 870, la forêt était à son extension maximale grâce à une embellie climatique qui durait déjà depuis l’an 600.

Les espèces ligneuses vivant au sein des forêts de bouleau se limitent au sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia) et au peuplier tremble (Populus tremula). Aucune d’entre elles n’a réussi à former de véritables peuplements, ce qu’elles font en revanche aisément à des latitudes plus basses en Europe. Il existe également d’autres espèces ligneuses qui vivent dans la toundra arctique, appartenant à la famille des saules : le saule laineux (Salix lanata) et le saule à feulles de thé (Salix phylicifolia). Un seul conifère est également présent en Islande, le genévrier commun (Juniperus communis), mais qui est d’une taille plus que minimaliste !

L’influence humaine sur le couvert forestier à partir de l’an 870

La végétation islandaise native est naturellement d’une extrême fragilité, au regard des sols, du climat mais aussi le fait qu’elle a évolué sans herbivores durant des millénaires. Elle n’a donc développé aucune défense naturelle face aux déboisements massifs, aux incendies allumés par l’homme, et à l’intense pression de pâturage par les moutons et les chevaux.

La forêt de bouleau a toutefois pu s’étendre à nouveau au cours de l’histoire, notamment au cours du XIVe siècle, lors de l’épidémie de peste noire qui a touché toute l’Europe.

Actuellement, la couverture forestière n’est plus que de 1% (cf carte plus haut). En outre, certaines plantes introduites comme le lupin (Lupinus nootkatensis) sont devenues invasives suite à des plantations massives pour améliorer les sols en 1945. Cette espèce s’étend partout actuellement sur le pourtour de l’Islande, se développant même sur les zones encore naturelles de toundra.

Ce qui ajoute encore à la dégradation des paysages actuels est l’introduction d’arbres exotiques par plantations. Ces espèces pourraient se comporter de manière invasive comme le lupin avec les changements climatiques à venir.

Photo ci-dessous : la petite église de Vik et ses champs de lupin, deux symboles de la colonisation de l’île par l’homme

Notre séjour en Islande

Durant le mois de mai 2025, nous avons parcouru le sud ouest du pays..

Le cercle d’or

Une visite incontournable est celle de Thingvellir, situé à 50 km à l’Est de Reykyavik. Ce site célébrissime est un long canyon naturel créé par l’éloignement de deux plaques tectoniques, l’une se déplaçant vers l’Ouest et l’autre vers l’Est. Le site se visite à partir de la faille d’Almannagjá.

Ci-dessous : deux photos prises par drone montrant l’étendue du canyon de Thinvellir (photo Patrick Lenoble). Photo 3: la muraille de la faille vue de l’extérieur.

Ci-dessous : photo 1: les parois de la faille vue de l’intérieur avec couverture de mousses. photo 2: des coulées de lave sont encore visibles par leur aspect sous forme de cordes (lave pahoehoe). Photo 3: la cascade Öxararfoss, haute de 20 mètres, jaillit à l’intérieur de la faille.

Le parc national de Thingvellir est classé sur la liste du patrimoine de l’humanité de l’UNESCO en 2004, avec la chute Gullfoss et le site de Geysir. C’est au sein de ce canyon que s’est créé le plus ancien parlement d’Europe, où les chefs de clans débattaient des questions politiques et socio-économiques. Notamment la christianisation de l’Islande.

D’autres failles parcourent le site, parfois envahies par des eaux très pures.

Geysir

Un autre haut lieu de l’Islande est Geysir. Photo 1: Le geyser Strokkur jaillit tel un métronome toutes les 5 à 8 minutes jusqu’à une vingtaine de mètres de hauteur ; ce site est parsemé de sources chaudes, souvent enrichies d’éléments minéraux, comme l’oxyde de fer (photo 3)

Ci-dessous : le célèbre geyser Strokkur en activité. Film Emmanuel Schnitzler

Dans ce site parcouru par des failles et soumis à des vapeurs brûlantes, le bouleau arrive à s’installer parfois autour des bouches de vapeur.

Un autre site célébrissime : la chute de Gullfoss où la rivière Hvítá a creusé un impressionnant canyon.

Le volcan Kerio est ancien cratère vieux de 6500 ans. Sur la photo 3, on voit les plantations d’espèces exotiques prônées par le pays pour le reboiser.

Lors de nos trajets vers l’Est de l’île, il est possible d’admirer le relief spectaculaire de l’île, consistant en plateaux à pentes abruptes et coulées de débris dévalant vers la mer.

Ci-dessous : Photo 1 corniches rocheuses avec coulées de débris sur les flans. Ces coulées sont facilitées par plusieurs facteurs : des pentes fortes, un stock de débris créé par la fracturation des roches lors des périodes glaciaires, des corniches rocheuses,  un apport important en eau par des pluies abondantes qui ne s’infiltrent pas sur les plateaux de basalte. Photo 2 : orgues basaltiques sur coulées de débris recouverts de lichens et de mousses. Photo 3: gros rocher au milieu de lagunes

Ci-dessous : photo 1: ancienne coulée de lave recouverte de mousses et lichens. Photo 2 : idem, avec discrète colonisation par le saule laineux. Photo 3: colonisation par les lichens et le saule dont on voit les fructifications. Ces vastes champs de lave recouverts de végétation sont d’une grande fragilité, et il n’est pas recommandé de les parcourir.

La visite de la lagune glaciaire de Jökulsárlón est célèbre pour ses petits icebergs

Visite du glacier Skaftafelljökull

Un superbe site qui nous mène sur cette langue glaciaire souvent noircie par les débris rocheux.

De l’autre côté de la même langue glaciaire, les paysages sont quelque peu différents.

Ci-dessous : une forêt colonise l’ensemble du côté sud de la vallée. Photo 2: Au pied du versant, sur l’ancien lit du fleuve, colonisé par les lichens, se détachent se détachent de curieuses formations végétales formées par l’espèce Empetrum nigrum. Elle s’étale dans tous les sens à partir d’un point central, et par taches. Photo 3: autre formation végétale sur l’ancien lit: le bouleau un coussinet dense de Silene acaulis (en rose) et un bouquet de saule laineux.

Les photos 1 et 2 montrent l’ampleur de ces taches dans le paysage. Photo 3 : dans les parties régulièrement couvertes par les eaux, la végétation est rare. On y voit un rocher transporté lors d’un événement naturel important

Photos de fleurs de tourbières: 1 Pinguicula vulgaris (grassette), une espèce carnivore; 2: Un tapis d’Empetrum nigrum avec en premier plan Armeria maritima; 3: Armeria maritima

Nous voici près du glacier, au niveau des glaces flottantes, qui dans ce cas précis, n’arrivent pas à la mer.

Quelques beaux paysages d’origine fluviale et glaciaire, dans les parties proches de la mer sur les photos ci-dessous. On voit que les cours d’eau ont un cours naturel, très complexe, formé de plusieurs bras qui changent de cours à chaque crue. On appelle cela un système en tresse.

Une marche dans la vallée de Morsardalur

Cete vallée proche de la précédente, comporte une belle cascade s’écoulant à partir d’orgues basaltiques. Le paysage est boisé, ce qui est plutôt rare !

En continuant la piste après la cascade, et en montant sur le sommet voisin (Skaftallfellsheidi) tout couvert de lichens et de mousses, on arrive à un point de vue absolument splendide : la confluence de deux rivières, qui s’écoulent dans de larges vallées en de multiples tresses.

La végétation est de type toundra. Ci-dessous: photo 1: Arctostaphyllos uva ursi et saules en fleur; photo 2: Dryas octopetala en fleur, Photo 3: une floraison massive d’un buisson de saules laineux.

La région de Vik

Cet arrêt est incontournable pour les touristes, qui viennent y admirer les grandes falaises à colonnes basaltiques.

Les montagnes de Reynisfallse sont formées sous la mer suite à une éruption volcanique. Elles sont constituées de coulées de lave, de colonnes basaltiques et autres intrusions volcaniques. La falaise est haute de 66m. Elle fait face à des pointes basaltiques (des dykes) qui ont fait partie de la montagne, mais en ont été séparées par l’érosion marine.

La dernière photo montre un oeuf de goéland déposé sur la falaise, a sans doute été consommé par un rongeur.

Ci-dessous : photo 1. Les environs immédiats de Vik montrent une forte empreinte humainek par l’invasion des lupins et les plantations de conifères. Photo 2: derrière les lupins coexistent deux ombellifères, l’une native (Angelica archangelica, et le cerfeuil (Anthriscus sylvestris). La photo 3 est cependant celle d’une ombellifère native, Angelica archangelica, couverte d’insectes butineurs.

Rhodiola rosea colonise les falaises et les éboulis

Les coulées volcaniques récentes de Fagradalsfjalls dans la péninsule de Reyukjanes

Cette partie de l’Islande proche de Keflavik, a subi des éruptions volcaniques très récentes, visualisées sur la carte ci-dessous (photo 2). Nous avons parcouru la coulée de lave de 2021.

Sur cette coulée de 2021, la lave est encore chaude, et des émanations de soufre surgissent des cavités. La lave est d’une grande beauté. Sur la dernière photo, on voit que les mousses commencent à coloniser les laves, qui n’ont pourtant que 4 ans d’âge.

Ci-dessous : un film pris avec une caméra thermique sur cette coulée de lave, montrant qu’elle n’est pas encore totalement refroidie.

La colonisation végétale se fait relativement vite en raison de l’humidité du climat. En quelques décennies, les coulées se couvrent de mousses et de lichens, qui épaississent avec le temps. Mais le retour des bouleaux prend un temps sans doute bien plus grand.

Ci-dessous : une coulée de lave de quelques décennies couverte de mousses et lichens. Un volcan égueulé s’est formé durant cette éruption.

Dans la soirée du samedi 16 mars 2025, une nouvelle éruption volcanique a démarré dans le sud-ouest de l’Islande à proximité de la ville de Grindavík, dont les habitants ont été évacués. Une route a été rapidement construite après cette longue éruption, sur les laves encore chaudes.

Une petite visite à Reykyavik

Quelques photos pour terminer sur le centre ville de la capitale de l’Islande, avec sa cathédrale qui reproduit les orgues basaltiques ; ses magasins qui vantent aux touristes les laines et les peluches de macareux moine, et ses jardins publics riches en arbres introduits. La question est de savoir si ces arbres s’échapperont un jour des villes ?

Une visite très intéressante est celle du musée d’histoire de l’île, qui retrace les étapes de la colonisation et l’évolution des sociétés. Un point intéressant : les sculptures en bois des églises ou des statues ne sont pas en bouleau, mais en conifères importés de Norvège, principalement l’épicéa. Toutefois, une statue représentant le christ en croix est faite en bouleau.

Ci-dessous : photo 1: la scultpure du Christ, de Ulsir au nord de l’Islande, est en bois de bouleau. Elle date de 1200. Photo 2: une porte en épicéa date de la même époque. Elle représente l’histoire du chevalier au lion en 3 épisodes.

Enfin, voici quelques dessins de légendes islandaises, dessinés un peu partout dans les hotels ou les restaurants de l’île (les islandais semblent adorer les contes !).

En conclusion

Un magnifique pays qui gagne à être connu, notamment pour ses efforts pour renaturer les milieux détruits par des siècles de destruction.

Notons que la bibliographie sur l’Islande est pléthorique, et accessible sur Google Scholar, notamment pour l’écologie des forêts de bouleaux.

Remerciements

Un grand merci à Laurent Schmitt qui nous a accompagnés, pour ses cours de géomorphologie, à Emmanuel Schnitzler pour ses films sur les champs de lave, et à Patrick Lenoble pour ses photos de drone.

Et bien sûr à Damien Saraceni pour la relecture des textes !

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