Forêts et chutes du Rhin en Suisse

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Ce petit voyage effectué en juin 2024 nous a conduit aux chutes du Rhin en Suisse, en aval du lac de Constance.

Les spectaculaires chutes du Rhin, les plus impressionnantes d’Europe, se trouvent au nord de la Suisse, entre le haut plateau calcaire formé par les montagnes de la Forêt Noire et du Jura au nord et le Valais suisse au sud. Cette région est drainée par le Haut Rhin et ses affluents qui s’écoulent vers la mer du Nord.

Les chutes se situent à l’aval du lac de Constance, à hauteur de la ville de Schaffausen. Lors de notre visite, le Rhin connaissait une crue suite aux fortes pluies des mois de printemps. Le débit des était alors très impressionnant à voir, passant avec fureur entre les deux “tours”, qui correspondent à ce qui reste d’une ancienne falaise calcaire !

Sur la photo de droite, on voit de nombreux porte clés accrochés aux grillages qui pourraient correspondre à des vœux des visiteurs.

On peut accéder tout près des chutes après avoir passé le château de Laufen, et avoir descendu les pentes menant en bordure du fleuve.

On descend ensuite par des marches jusqu’à atteindre l’eau. Le bruit devient assourdissant car le débit du Rhin dépasse la moyenne (environ 800 m3/s) contre une moyenne de 600 m3 habituellement. Le débit du fleuve varie en effet en fonction des événements hydrologiques.

Ainsi, en 1921, le fleuve était au plus bas avec 95 m3/ s, alors qu’en 1480 lors de l’événement appelé Le déluge du Rhin, il était estimé à 2000 m3/s !

Ci-dessous: à gauche, photo des chutes en 1921. On voit qu’un des rochers des chutes comporte une vaste cavité naturelle cachée par les eaux du Rhin. À droite, une représentation du déluge du Rhin datant du 16e siècle

La partie haute des chutes peut se voir à partir d’un pont de chemin de fer accessible aussi aux promeneurs et aux cyclistes. Des forêts entourent le fleuve de part et d’autre.

Genèse du paysage

Le relief actuel de la région est une conséquence non seulement des mouvements tectoniques liés à la surrection des Alpes, mais aussi aux évolutions paysagères créées par les avancées et reculs des glaciers qui se sont succédé durant plus de 2 millions d’années au cours du Pléistocène (1,6 millions d’années à 10 000 ans). Les données ci-dessous sont tirées des références citées en fin d’article.

La carte ci-dessous indique l’étendue maximale des glaciers au cours de la dernière période glaciaire du Würm. En jaune, les montagnes de la Forêt Noire au nord et du Valais suisse au sud. En bleu, les étendues de graviers accumulés au cours du Pléistocène. Le glacier du Rhin s’étendait dans la région de Schaffhausen dans les périodes les plus froides.

Genèse des chutes du Rhin

Les paysages de la région sont donc d’une grande complexité, car ils sont le résultat d’ accumulations sédimentaires considérables, suivies de phases d’érosion, qui ont forgé des terrasses et des zones basses. Le fleuve Rhin a plusieurs changé son cours au cours des derniers millions d’années.

L’avant dernière période glaciaire : la glaciation du Riss (300 000 – 130 000 ans BP)

Ce schéma photographié sur le site des chutes du Rhin, représente le paysage au cours des périodes glaciaires entre 600 000 et 120 000 ans. Lors des périodes interglaciaires, le Rhin s’est forgé un cours entre les amas de graviers accumulés lors des prévédentes glaciaires. Au fond, le haut plateau de la Forêt Noire.

Sur le schéma ci-dessous, on voit que le cours du Rhin (en jaune) était plus proche du haut plateau calcaire de la Forêt Noire et du Jura. Mais on voit qu’il avait alors développé un bras vers le sud, au niveau de Neuhausen Rheinfall. Sur ce même schéma, le Rhin actuel est représenté en bleu.

Il y a 20 000 ans : le pic de froid de la dernière époque glaciaire du Würm (100 000 – 11000 ans BP)

Sur ce schéma, on visualise les paysages aux environs de la chute actuelle il y a 20 000 ans, au cours du maximum glaciaire du Würm. Au premier plan, les restes de molasse (pierre calcaire) recouverts par les glaces.

Sur le schéma ci-dessous, on voit que le chemin pris par le Rhiin au cours du Würm passe plus au sud que celui pris au cours de la glaciation précédente. Le cours du Rhin actuel est en bleu, les chutes correspondant donc au point de jonction entre les deux lits du Rhin : celui du Riss et celui du Würm.

Plus près de nous, depuis 10 000 ans, le Rhin dans la région de Schaffausen a édifié son cours à la limite entre le haut plateau calcaire de la Forêt noire et un de ses anciens cours, édifié au cours d’une période glaciaire antérieure. Le fleuve érode à présent cette ancienne vallée glaciaire, dans laquelle subsistent quelques rochers calcaires issus du plateau proche. Ce sont ces deux rochers qui sont visibles au niveau des chutes.

La carte ci-dessous indique l’emplacement actuel des chutes, au contact entre l’ancien lit du Rhin (en noir) et les restes de roche calcaire sur lesquelles est érigé notamment le château de Laufen. En vert en pointillé, on voit jusqu’où s’avancaient le glacier du Rhin durant la dernière glaciation

LA photo ci-dessous, prise en aval des chutes et bien au-dessus du niveau actuel du Rhin, correspond à une ancienne exploitation des sédiments du Rhin glaciaire. Sur les pentes, on voit des oeillets sauvages coloniser les graviers, et en bas de versant, où le creusement de l’ancien lit a atteint la nappe, s’est développé une zone humide à grands carex et saules blancs.

ci-dessous l’oeillet sauvage et une plante rudérale, le millepertuis, qui tous deux poussent sur les graviers du rhin

Le long du cours du Rhin actuel, en aval des chutes, le Rhin est difficile à observer car il est profondément enfoncé dans ses alluvions pléistocènes. Les pentes dans lesquelles il a creusé sont boisées par une forêt de hêtres qui bénéficie de l’humidité dispensée par le fleuve plus bas. Un joli parcours à effectuer sur un petit sentier qui serpente au-dessus de l’eau, dans une forêt laissée en libre évolution, comme on peut le voir à l’amoncellement des bois morts.

Mais arrivée au bord du Rhin en dévalant la dernière pente, je déchante: l’eau est mousseuse témoignant d’une pollution importante. Je ne connais pas l’origine de cette pollution: vient-elle de la ville de Schaffausen ??

Les usages des chutes

Les hommes ont utilisé les chutes du Rhin depuis des temps immémoriaux : la pêche au Moyen Âge y était fructueuse et nourrissait des corporations de pêcheurs installés à Schaffhausen. Les moines de l’abbaye d’Allerheiligen installés dans la ville y avaient des droits sur l’eau. On en tirait également de l’énergie par des moulins installés près des chutes. L’extraction du minerai de fer s’est aussi aidée de l’énergie fournie par les chutes au 16e siècle. Un complexe industriel s’est mis en place au 19e siècle pour renforcer la production de l’extraction de ce minerai de fer et aussi pour la production d’aluminium, grâce à une production d’énergie fournie par les chutes. D’autres projets n’ont pas vu le jour, comme permettre la navigation en amont en construisant un canal sous les chutes !

Les chutes du Rhin ont aussi inspiré les artistes et des peintures ou gravures en ont été faites, qu’on peut voir dans le musée de Schaffausen, et des copies sur les murs du château. La toute première est celle faite par Sébastien Münster (à gauche) en 1544. La seconde est affichée en copie sur un mur du château, et la troisième est de Johann Ludwig (Louis) Bleuler, et date de 1840.

Les alentours des chutes

En aval de Schaffausen, nous avons admiré un joli pont en bois pourvu d’un toit, au bout duquel se dresse une statut d’un homme brandissant une croix. Sans doute une légende locale qui signifie que le diable attend le voyageur de l’autre côté du pont, et qu’il faut le faire fuir avec une croix ?

De l’autre côté du pont, se trouve une auberge qui rappelle la surabondance du saumon il y a un siècle.

Pal loin du Rhin, je suis tombée sur cette abeille charpentière du genre Xylocopa, la plus grande d’Europe

Le vieux village de Stein am Rhein

Stein am Rhein est proche du lac de Constance, au débouché du Rhin dans l’Untersee. Cette ville est réputée pour sa vieille ville datant du Moyen Âge et a conservé de très belles maisons décorées.

La photo a été prise du château qui domine la ville.

Ci-dessous, ici encore une évocation des nombreux saumons qui remontaient le Rhin jusqu’à leur quasi extinction au début du 20e siècle :

Le château d’Arenenberg : la dernière demeure de Hortense de Beauharnais

Vue depuis le château sur le lac de Constance

Ce château d’Arenenberg est une propriété sur laquelle est bâti un château, situé sur la rive méridionale du lac de Constance à Salenstein, dans le canton de Thurgovie. Il a été la dernière demeure de l’ancienne reine de Hollande Hortense de Beauharnais (1783-837) , fille de l’impératrice Joséphine et épouse du frère de Napoléon IerLouis Bonaparte, roi de Hollande.

Voilà ce qu’en dit Wikipedia :

Tandis que dans les premières années Hortense passait l’essentiel de son temps dans sa maison d’Augsbourg, Arenenberg devint peu à peu son domicile principal. Jusqu’à sa mort, elle y reçut de nombreux visiteurs de marque tels que : ChateaubriandAlexandre Dumas père.
Son fils Louis-Napoléon, le futur empereur Napoléon III, qui faisait ses études à Augsbourg, vint à Arenenberg durant son adolescence. En 1837, alors exilé à New York, il apprit que la santé de sa mère se détériorait : il revint à Arenenberg où Hortense expira le 5 octobre de cette année-là. Après le deuil, et sous la pression du gouvernement français, Louis-Napoléon dut quitter la Suisse pour Londres. En 1843, il se résolut à vendre Arenenberg pour financer ses activités politiques. Sous le Second Empire, en 1855, son épouse, l’impératrice Eugénie racheta le domaine. Des restaurations y furent entreprises jusqu’en 1874.

Wikipedia, article Arenenberg

Ce petit musée est superbe à visiter : il comprend deux étages où regorgent les souvenirs de cette famille, avec de nombreuses reproductions d’époque de tableaux célèbres.

Voici une photo de la généalogie des Bonaparte. j’ai vu avec surprise qu’il y avait des descendants de la branche cadette de Napoléon. A gauche de l’arbre généalogique, on voit la descendance de Hortense, qui s’arrête avec le prince Louis Napoléon IV, mort prématurément à la guerre contre les Zoulous en Afrique du sud.

Plusieurs tableaux évoquent le souvenir de Napoléon : à gauche un tableau le représentant en tant qu’empereur, au milieu son fils Napoléon II et à droite, le plus émouvant : le fils de Napoléon III a pointé sur ce globe l’île sainte Hélène

Trois femmes: à gauche Joséphine, au centre Hortense de Beauharnais sa fille et à droite l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III.

Ci-dessous : Napoléon III, une horloge représentant Hortense au piano, une vrai oeuvre d’art ! et une vue du salon

En conclusion

Ce fut un petit voyage très instructif sur les beautés naturelles et culturelles de la Suisse. Un gros bémol cependant avec la pollution choquante des eaux du Rhin en aval des chutes !!

Remerciements

Un grand merci à Damien Saraceni pour la relecture et critique du texte, et à Philippe Duringer pour la détermination de l’abeille.

Références

Heitzmann, P. (2017). Der Rheinfall—Ist das überhaupt ein Geotop. GeoTop, 22-35.

Preusser, F. (2012). Quaternary glaciation history of northern Switzerland. Quaternary International, (279-280), 386.

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